Homélie du 18 décembre 2022– Saint Didier

Nous voilà rendus au cœur de ce que l’église appelle un mystère. Un mystère ce n’est pas quelque chose de mystérieux, d’incompréhensible, c’est quelque chose qui nous parle de Dieu et que nous n’aurons jamais fini de comprendre, quelque chose qui parle à notre foi, à notre intelligence aussi, mais que nous ne pénétrerons jamais dans sa totalité , par une analyse scientifique.
Déjà que notre raisonnement, même très pointu, n’a pas fini d’explorer toutes les données humaines, telles que les origines du monde, et de la vie, telles que les sentiments, ou plus simplement les méandres de la mémoire, les effets de la lune ou bien d’autres choses qui nous paraissent au-delà de notre compréhension, voilà que aujourd’hui la parole de Dieu nous invite à entrer dans le mystère de l’incarnation.

Je pense souvent à ce film noir et blanc où on voit un jeune poser des questions métaphysiques à son curé qui n’arrive pas à répondre et finalement le curé passe au tableau, fait un tout petit point avec la craie et trace tout autour un grand cercle : « tu vois, toi, tu es ce petit point au centre, et le cercle c’est Dieu, et toi, petit point, tu voudrais comprendre le grand cercle ? »

Je pense surtout à la parole de Jésus : « Je te remercie Père, d’avoir caché cela aux sages et aux savants et de l’avoir révélé aux tout petits » et c’est vrai que des sages et des savants vont buter sur ce mystère de l’incarnation , chercher à interpréter les textes, à comprendre comment les choses ont pu se passer , ou faire appel à des récits des mythologies anciennes , à des genres littéraires , alors que des gens simples et confiants, vont simplement s’émerveiller de cette sollicitude du Père céleste qui nous envoie son fils.
D’autres vont tourner en ridicule ce point de notre foi, n’acceptant en rien que Dieu, le tout puissant puisse s’affranchir des réalités de la conception humaine, alors qu’ils acceptent sans sourciller, l’horoscope, les ovnis, la réincarnation, ou toute autre vue de l’esprit, totalement irrationnelles.

Le Mystère de l’incarnation : Jésus est le Fils de Dieu envoyé par son père à notre monde et sa conception est à la fois humaine et divine : Humaine par Marie : « Il a pris chair de la vierge Marie » affirme notre Credo, et elle est divine « L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint » avons-nous lu dans l’Evangile de ce jour en saint Matthieu, alors que Saint Luc , dans son récit de l’annonciation met dans la bouche de l’ange : « l’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très Haut te prendra sous son ombre, c’est pourquoi l’enfant qui va naître sera saint et sera appelé Fils de Dieu ».

Joseph a un peu de la peine à accepter cette révélation et chacun comprendra son questionnement, l’inverse pourrait paraître surprenant , on comprend aisément que cet appel qui lui est fait l’empêche de dormir sereinement !  Il lui faut le temps du doute, du questionnement, un peu comme Marie qui avait interrogé l’ange « comment cela va-t-il se faire ? » le temps de la méditation, de la foi, de la révélation, sous forme de songe, qui est une tradition biblique pour nous rappeler que Dieu peut parler au cœur de l’homme au-delà du raisonnable et de l’évident.
Toute vocation n’est-elle pas un peu de cet ordre ? Après son questionnement Joseph accepte, à la manière de Marie, le projet de Dieu sur leur couple et, écrit Matthieu, « il prit chez lui son épouse … »

Les Evangiles parlent peu de Joseph, sinon pour nous dire qu’il était charpentier, un homme juste et qu’il a veillé sur l’enfant notamment à sa naissance, toutes les crèches du monde et de Navarre lui font ainsi une belle place à côté de la mangeoire et ce rôle, si concret, si proche des soucis des parents, si humain est bien important.
Il s’est inquiété aussi quand Jésus a disparu au temple à l’âge de 12 ans et Marie parle alors de lui comme du Père de Jésus : « vois comme ton père et moi nous étions inquiets en te cherchant ».
On peut supposer qu’il a appris à son fils dont il avait la garde outre ses premiers pas dans la vie, le métier de charpentier qui était le sien. Ainsi on nommera Jésus « le fils du charpentier ».

Comme chaque dimanche la parole de Dieu nous interpelle. Aujourd’hui nous apprenons à connaître Jésus, fils de Marie, fils de joseph, fils de David, messie, envoyé, « oint », Jésus Sauveur, Jésus Emmanuel avec nous chaque jour.

Nous admirons la foi de Joseph, son humilité, « l’homme dont on n’a rien dit », mais le serviteur au quotidien, discrètement, serviteur d’un enfant qui devait lui poser bien des questions, mais à qui il a fallu répondre tout de suite, dans l’urgence, pour lui trouver un toit, un peu de chaleur…être là pour le faire grandir, comme le fait chaque parent ; Ne comprenant pas les attitudes et les paroles de cet enfant, mais restant là, fidèle à la place et à la mission reçues. Et nous, que pouvons-nous faire, concrètement, discrètement, pour accueillir, pour accompagner, pour soutenir le peuple des enfants de Dieu, c’est-à-dire l’Eglise et tout autant les hommes et les femmes qu’il nous est donné de rencontrer, à commencer par nos proches, enfants et petits-enfants qui souvent nous déroutent.

Joseph n’a sans doute pas tout compris de ce qui lui arrivait, de ce qui lui était demandé, des plans du Seigneur et de toute cette histoire qu’il voyait naître sous ses yeux et qui déjà lui échappait complètement. Comment est notre foi ? Veut-elle être avant tout rationnelle ou laisse-t-elle de la place à l’imprévu de Dieu ? Nous connaissons des gens « à principe » qui décident que leur histoire personnelle, familiale, sociale doit s’écrire comme cela et pas autrement et qui sont confrontés à des tas de situations qu’ils n’avaient pas prévues, dans leur couple, dans leur travail, chez leurs enfants et même dans l’Eglise. Certains se bloquent dans ces situations et ne dérogent en rien à leurs grands principes, d’autres essaient de faire face, de servir, de rester disponibles, de faire confiance. Joseph nous montre aujourd’hui un chemin où Dieu fait des miracles avec des situations inédites.

Pouvons-nous dire aujourd’hui, à ce Dieu qui n’entre pas dans nos schémas, que nous voulons continuer à le servir, même si ces plans ne sont pas tout à fait les nôtres ?