Le texte d’Evangile que nous venons d’écouter me semble très concret, et je vais me permettre, dans cette homélie d’aborder quelques questions tout aussi concrètes. Comme vous savez lire entre les lignes, vous découvrirez certainement quelque élément concret pour notre ensemble paroissial.
Dimanche dernier nous avons entendu le christ répondre à ceux qui se savaient appelés mais qui demandaient soit un délai pour répondre, « Seigneur laisse-moi « d’abord », soit un certain confort, alors que jésus affirmait ne pas avoir d’endroit où reposer la tête et il terminait son message par cette phrase : « Celui qui a mis la main à la charrue et qui regarde en arrière n’est pas fait pour le royaume ».
Paroles un peu dures à entendre quand on a donné beaucoup de temps, beaucoup d’énergie à l’Evangile et à l’Eglise . Les exigences de l’Evangile de ce jour sont un peu semblables : « N’emportez ni bourse, ni sac ni tunique de rechange » » Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups » .
Nous avons envie de répondre « Seigneur ce n’est pas tellement étonnant que les ouvriers soient peu nombreux, le poste n’est pas tellement gratifiant ! »; Ces paroles nous interrogent sur les vocations actuellement : Dans notre diocèse, et généralement en France, et dans les pays développés, nous arrivons à l’étiage et l’avenir semble assez bouché tant dans le clergé que dans la vie religieuse, et tout autant chez les diacres, les laïcs engagés en pastorale, qu’ils soient salariés ou bénévoles .
J’écoutais une religieuse de St Charles, congrégation terriblement vieillissante et qui n’a plus de postulantes depuis de très nombreuses années, elle disait : « Comment se fait-il aujourd’hui que ce qui nous a tellement motivées, enthousiasmées, séduites, n’attire plus de jeunes ? » Pour ma part il m’est difficile d’admettre que je n’aie pas pu éveiller chez l’un ou l’autre des nombreux jeunes dont j’ai croisé la route la moindre idée de vocation, ni sacerdotale, ni diaconale, ni religieuse ».
Finalement, le prêtre partage le même souci que les parents qui voient leurs jeunes abandonner la pratique, les sacrements, l’éducation chrétienne de leurs enfants. Pourquoi ? Je n’ai pas la réponse à cette question,
Peut-être parce que le monde a changé et que les gens pensent qu’ils n’ont plus besoin de Dieu ?
Peut-être que nous n’avons pas assez prié le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson ?
Peut-être que les communautés ne sont pas assez appelantes ?
Peut-être que les prêtres, par leur mauvaise conduite sont responsables de la perte de la foi ?
Les faits sont là, notre diocèse n’aura pas d’ordination sacerdotale avant 8 ou 10 ans et j’en connais qui commencent à ressentir le poids du jour et de la chaleur, qui, en tous cas, n’ont plus assez d’entrain pour susciter le dynamisme de leur communauté à défaut d’appeler des jeunes à prendre la relève.
N’emportez ni bourse ni sac, ni argent. » Je ne pense pas que cette exigence pour servir le Christ, soit un frein aux vocations : les prêtres ne sont pas malheureux et vivent correctement : Avant de mettre la main à la charrue ils étaient avertis que le salaire ne serait pas celui d’un ministre et s’ils avaient voulu une situation plus lucrative ils l’auraient trouvée ailleurs. A quelqu’un qui se plaignait devant sa condition trop modeste à son goût, un collègue disait fort justement si tu ne voulais pas faire ça, il fallait faire autre chose !
Cependant l’Eglise, (et l’ensemble paroissial St Luc en Velay en fait partie, nous recherchons une animatrice en pastorale depuis quelques temps déjà ). L’Eglise donc se propose de salarier des personnes pour assurer une mission particulière auprès des jeunes, en aumônerie d’hôpital, en permanence paroissiale ou pour d’autres activités pastorales. Elle a, dans ce domaine, une certaine difficulté à s’adapter à la vie d’aujourd’hui, aux contraintes financières, sociétales, aux rythmes de vie, aux cadres du droit du travail.
Ainsi j’ai connu un Evêque qui souhaitait embaucher une maîtresse de maison qui aurait dû être disponible 7 jours sur 7, aussi bien pour un petit déjeuner matinal que pour un souper très tard et sans vacances et sans sorties comme l’aurait chanté Ferrat. Son conseil économique s’est évertué à lui dire que, à part une religieuse en rupture de communauté, il avait peu de chances de trouver la personne idoine. De même ma première animatrice en pastorale, responsable de l’aumônerie en collège au Puy, n’avait ni bureau, ni téléphone dédié, ni ordinateur, ni cadre horaire défini et faisait tout depuis chez elle. Le droit du travail a vite fait de remettre de l’ordre dans ce cadre d’embauche. Mais la question des salaires reste un souci, si on pense trouver des gens capables et disponibles pour cet emploi. N’emportez ni sac, ni argent, reste difficile à accepter pour une jeune maman qui a charge de famille !
Autre point, le Christ fait allusion à l’accueil des gens envers les disciples qui leurs sont envoyés « Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis ». Parfois il peut arriver que le ministre ne soit pas accueilli par certaines personnes avant même d’avoir posé les pieds sur son territoire, parce qu’il n’est pas le bon prêtre que l’on attendait, (j’en ai fait l’expérience), ça arrive mais c’est rare. De là à penser que vos prêtres sont envoyés comme des agneaux au milieu des loups, il y a un grand pas, ou alors les loups ont bien changé, même s’ils sont capables de lettres anonymes parfois bien décevantes. Les oppositions ne sont pas si terribles, même si elles viennent, en général, beaucoup plus de l’intérieur de l’Eglise que de l’extérieur. Souvent par des gens qui sont tellement chrétiens qu’il leur faut un prêtre sur mesure, bien dans leurs idées, leur spiritualité, leurs images du sacerdoce, le bon langage, la bonne tenue. Parfois, après elles changent d’avis et je suis certain qu’elles prient beaucoup pour les vocations.
Les personnes qui ont participé aux réunions synodales ont souligné souvent la solitude affective du prêtre et aussi sa solitude humaine et spirituelle. C’est sans doute une des raisons qui font le plus hésiter un jeune à s’investir, même si la vie en communauté ne me semble pas souvent un long fleuve tranquille. Aujourd’hui les prêtres d’une même génération sont éloignés les uns des autres, ils ont peu de temps libre et donc peu de temps pour des rencontres fraternelles ou spirituelles. C’est certainement un frein et ce n’est pas par hasard que le Christ avait envoyé ses disciples deux par deux. Dans l’état actuel des choses, il est très difficile de trouver un confrère capable d’assurer un remplacement et cette situation crée une frustration. Comment vont réagir les gens si leur curé leur dit que tel dimanche il n’y aura pas de messe dominicale parce qu’il s’est autorisé à prendre 12 jours de congés ! Nous en sommes encore à rencontrer des gens qui me disent n’avoir que le dimanche après-midi pour préparer le baptême de leur enfant. De là à penser que le prêtre pourrait avoir des congés !
Le monde évolue, l’Eglise a de la peine à suivre et à s’adapter, Pourtant des chrétiens finissent par découvrir qu’ils ne sont pas seulement là pour rendre service à leur pasteur, (et c’est déjà beaucoup) mais qu’ils vont devoir prendre la totale responsabilité de leur communauté. Notre nouvel évêque viendra rencontrer l’équipe animatrice au début septembre, il donnera certainement son avis sur la route à suivre : Il nous reste à prier le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson , c’était aussi l’Evangile de ce jour.
Père Jo Valentin