Homélie du deuxième dimanche de Pâques, St Luc en Velay 2022.

Ce sont les premiers jours après la résurrection de Jésus …
Les Apôtres ont eu des rumeurs sur ce fait essentiel, le témoignage des femmes qui se sont rendues au tombeau, dont celui de Marie Madeleine qui a entrevu le Seigneur « alors qu’il fait encore nuit », autant dehors que dans son cœur… Les Apôtres n’hésitent pas à qualifier de radotage ces affirmations, , « car, Lui, ils ne l’ont pas vu ».
Que font-ils dans ces jours ? Ils se cachent car ils ont peur que les disciples connaissent le même sort que leur maître et qu’après avoir mis à mort le berger le reste du troupeau soit, lui aussi, exterminé. Ils ont donc fermé les portes du lieu où ils se trouvent.
Jésus est là, au milieu d’eux, sans qu’ils ne l’aient accueilli, sans qu’ils aient ouvert les portes. Il a besoin de leur montrer ses mains et son coté, les traces de la passion, pour qu’ils soient éveillés à l’inimaginable : Le Seigneur est ressuscité, pour que la joie remplace la peur.

Comme c’est difficile de croire ! Pour les premiers témoins comme pour nous, c’est une démarche de foi qui dépasse toutes nos peurs.
Bien d’autres textes dans l’Evangile nous redisent les doutes des uns et des autres, la difficulté d’accepter une présence qui n’est plus tout à fait humaine, mais qui doit se montrer pour dépasser le raisonnable.
Thomas, dont le nom signifie jumeau, Thomas qui doute et demande à voir et à toucher est bien notre jumeau, tant nous sommes hésitants à croire, non seulement en Jésus ressuscité, mais encore en Jésus vivant avec nous pour toujours, à sa présence au milieu de nous quand nous sommes réunis en son nom comme aujourd’hui, à sa présence dans les signes des sacrements, à sa parole, non pas du passé mais d’aujourd’hui.
Thomas ,le mal croyant, le pointilleux, l’homme du doute, et aussi le premier à dire « Mon Seigneur et mon Dieu ».

Mais revenons à la rencontre avec les apôtres : Par deux fois Jésus leur dit « la paix soit avec vous », c’est sans doute la traduction de « schalom » en hébreu, mais c’est aussi une parole qui efface le passé, une parole qui ouvre un avenir.
Les Apôtres n’ont pas eu un comportement très brillant aux jours de la passion : Après les fanfaronnades de Pierre au cours du dernier repas, « Même si tout le monde venait à t’abandonner, moi je ne t’abandonnerai pas » » il y a l’attitude de la peur et de la trahison au jardin du grand prêtre, « je jure que je ne connais pas cet homme » Quand Jésus, confronté à l’angoisse devant ce qui va lui arriver, demande à ses plus proches de veiller et de prier avec lui, eux s’endorment.
Au pied de la croix il n’y a que Jean, le plus jeune d’entre eux, les autres ont fui, et je ne parle pas de Judas qui a joint l’appât du gain à l’hypocrisie avant de se donner la mort.
Les mots de Jésus, redoublés, sont une absolution, une réconciliation, un pardon, un nouveau départ : « la paix soit avec vous », des mots que chacun de nous peut entendre quand, dans notre foi, mais aussi dans les actes de la vie, nous ne sommes pas bien plus courageux que les Apôtres – « la paix soit avec vous » – Merci Seigneur pour ces mots qui nous touchent tous et chacun.

Jésus continue ces mots de paix par une marque de confiance extraordinaire : A cette équipe de poltrons, de faibles, il confie son Eglise : « Allez je vous envoie », comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » mais auparavant il met en eux son souffle, comme le créateur au début de la création dans la Genèse, il souffle sur eux pour leur donner son Esprit, sa force, sa présence et nous savons bien comment ce souffle ouvrira les portes au jour de la Pentecôte, comment il poussera les Apôtres au milieu des païens pour rendre témoignage de la résurrection.
Combien de fois Seigneur nous avons peur de montrer notre foi de chrétiens, notre pratique religieuse aux copains, aux camarades, aux enfants et aux petits enfants, oubliant que nous avons le souffle de l’Esprit pour le faire ! Les Apôtres, vont tout de suite mettre en pratique cet envoie en mission et le premier à en profiter c’est Thomas : « Nous avons vu le Seigneur ! » et Thomas va prendre sa place dans la jeune Eglise.

La première lecture de ce dimanche nous montre cette communauté nouvelle au travail dans les jours qui suivent. Nous avons lu : « A Jérusalem, beaucoup de signes et de prodiges s’accomplissaient par la main des Apôtres »
Au nom du ressuscité ils rassemblent les croyants, ils refont ce qu’ils ont vu faire au maître avec les malades, et la communauté grandit par leur témoignage et par l’œuvre de l’Esprit. Ce témoignage, ils vont le porter tout autour d’eux et, avec l’aide de nouveaux témoins comme st Paul, tout autour du bassin méditerranéen, jusqu’au port de Marseille, jusqu’à Lyon, ville où témoigneront les martyrs, jusqu’à Brioude ou St Julien sera décapité, jusqu’à ceux et celles qui nous ont un jour fait baptiser au nom du Père, du Fils et du saint Esprit, en nous montrant, par la parole et par le geste, le pardon, le partage, le service, la prière, l’engagement au service du frère.
D’autres vont témoigner aussi par l’écrit et nous avons lu un passage aujourd’hui qui doit surprendre les puristes : C’est un style littéraire très particulier qui construit ce rêve de St Jean que l’on appelle l’Apocalypse, ce livre à la fois de combat au quotidien, de mystique profonde, et d’espérance dans la victoire du Christ, aujourd’hui demain et toujours.
Cela aussi est un témoignage. Nous sommes bien loin de la grande peur des apôtres qui s’étaient enfermés par crainte des juifs.
Nous sommes bien loin… Peut-être pas tant que ça :
Voilà que notre Eglise s’enferme de nouveau dans ses murs, avec de belles portes à peine entrouvertes sur le monde et sur la vie des gens, malgré les appels de notre pape François qui ne cesse de nous rappeler que l’avenir de l’Eglise ne peut être que dans sa mission au service des périphéries, il nous parle d’une église en campagne , il nous envoie là où les valeurs de l’Evangile sont ignorées, bafouées, ridiculisées , peut-être pour ne pas nous laisser oublier que le Christ n’a pas apporté l’Evangile sur un lit de roses, mais que la marque des clous sera toujours la marque d’une église en sortie.

Il nous a donné les questions d’un synode qui nous interpelle sur la vie, la gestion, l’espérance de notre Eglise. Quelques réponses ne sont pas anodines, quelques réflexions mériteraient d’être travaillées ensemble pour parler d’avenir, à moins que nous ayons fermé la porte !

Il y a quelques semaines une excellente émission sur Arte nous faisait découvrir l’évolution du monde paysan et j’ai retenu l’expression d’une ancienne militante de la J.A.C. ‘’jeunes agricole catholique). Ja J. A.C. nous a aidés à nous engager dans notre monde de l’agriculture, pour que les femmes y trouvent leur place et leur dignité . On nous apprit que le paysan était fait pour nourrir les hommes, pas pour les empoisonner et nous avons lutté contre les pesticides, les engrais et tout le chimique pour une agriculture respectueuse de l’environnement et de la santé des gens. ». Là c’était la jeunesse chrétienne qui parlait, ailleurs la j.O.C., l’A.C.O. Aidait des chrétiens à s’éveiller à la justice sociale, la J.E.C. accompagnait par la foi les études des jeunes en lycée ou en faculté.
Ainsi l’Eglise sortait de ses murs pour rappeler qu’une personne vaut mieux que tout l’or du monde. Que l’’homme ne vit pas seulement de pain, que l’autre est un frère, que l’on ne peut pas servir à la fois Dieu et l’argent.
Aujourd’hui aussi l’Eglise sort un peu, par l’Action Catholique des enfants qui bourgeonne à nouveau chez nous, par le service du frère manifesté dans la pastorale des malades ou l’engagement contre la pauvreté, ou par une écologie responsable, par le C.C.F.D. qui ouvre les fenêtres sur le monde et sur des solutions à taille humaine pour lutter contre la faim et pour le développement.

Des chrétiens ont entendu l’envoi en mission et ils s’y mettent…
Mais beaucoup d’autres ont entendu l’appel du canapé, de la télé et de la société de consommation qui nous endort.
Puisse le Seigneur ressuscité, envoyer sur nous, encore et encore l’Esprit qui rassemble et chasse les peurs !

Père Jo Valentin