Le passage d’Evangile qui est proposé à notre méditation ce jour est surprenant : Jésus pose une question sur la manière dont les gens comprennent sa présence : « Au dire des gens, qui suis-je ? ». Les réponses sont très diverses et on pourrait les résumer en un mot : « un prophète ». L’Evangile nous dit aussi que bien d’autres réponses sont données par les contemporains de Jésus : « Le fils du charpentier », « un homme doté d’un pouvoir de guérison qui fait courir les foules », « un orateur hors pair car aucun homme n’a parlé comme cet homme », un prétentieux qui fait des gestes réservés à Dieu : « Qui est-il celui-là pour dire que les péchés sont pardonnés » ? Un ami des publicains et des pécheurs, un homme qui ne respecte pas les principes de la loi, un usurpateur blasphémateur, le roi des juifs comme il sera inscrit sur la croix et bien d’autres définitions encore. La réponse de Pierre, le témoin depuis la première heure est très claire : « Tu es le Christ », c’est-à-dire le Messie, l’envoyé de Dieu le Père, celui que le peuple juif attend depuis si longtemps. C’est tellement lourd de sens que St Marc écrit la demande de Jésus de ne le dire à personne. Là nous sommes au sommet de la foi ! Pierre a dit sa foi, celle que le Père lui a révélée au fur et à mesure des rencontres des trois années passées ensemble.
C’est après que les choses se gâtent : Jésus annonce sa passion et cela est insupportable pour Pierre. Comment le Messie, le fils de Dieu pourrait-il connaître la souffrance et la mort, même si celle-ci doit être suivie de la résurrection ? On se souvient comment Pierre, dans la cour du grand prêtre dira par trois fois : « Je jure que je ne connais pas cet homme » et c’est vrai qu’il ne reconnaît pas ce Jésus auquel il croyait vraiment, mais passant par ce terrible destin de la croix. Jésus lui dit que ses pensées sont humaines. Comment pourrait-il en être autrement ? La foi, la foi complète ne viendra que devant le tombeau vide : « Il vit et il crut ».
Que disent les gens aujourd’hui ? A part ceux qui ne connaissent rien et qui font de leur pensée le centre et la lumière du monde,(et ils sont nombreux) beaucoup de nos contemporains reconnaissent en Jésus un sage, un prophète, un homme dont la pensée et les actes ont traversé les siècles, quelqu’un dont les « valeurs » sont reconnues et partagées, dans la mesure où ils les connaissent, dans la mesure où ils ont d’autres horizons que leur portable et les vedettes de pailles et de strass des médias actuels. Mais quand on voit le nombre de personnes qui entrent dans les églises, qui lisent des feuilles sur la foi, qui citent des phrases tirées des évangiles, qui acceptent ou critiquent des textes sacrés ou des textes de l’église, on peut dire que Jésus ne laisse pas indifférent. Je pense à un enfant qui dit : « Tu sais maman, je l’aime Jésus » , à des adultes qui déclarent « Si je n’avais pas eu la foi, je n’aurai jamais pu traverser les épreuves que j’ai traversées », à tous ces gens qui viennent faire leurs pâques en vérité et qui s’agenouillent devant la croix, à cette dame demandant son crucifix pour le serrer contre elle au moment du sacrement des malades » à cette autre mettant sa plus belle tenue en disant « il ne faudrait pas se déranger un peu pour accueillir Jésus ? » et à bien d’autres témoignages qui m’ont toujours interpellé et m’interpellent toujours.
Quand on prépare les baptêmes on demande toujours aux parents : « Dans quelle foi faites-vous baptiser votre enfant ? » Et on en profite pour relire le credo et pour le commenter. Toujours, ou presque toujours, la discussion est facile quand on parle de Dieu, le Père Tout puissant, source de toute vie, Dieu de tendresse et de miséricorde, mais souvent les voix se taisent quand on aborde « je crois en Jésus, crucifié sous Ponce Pilate, mort et enseveli, ressuscité le 3ème jour ». Jésus mort et enseveli, c’est historique, mais ressuscité, c’est le cœur de la foi et difficile à affirmer et pourtant, si le Christ n’est pas ressuscité il n’y a plus rien après le vendredi saint, plus d’église, plus de sacrements, plus rien et même on peut dire que la pratique de l’Evangile est dangereuse puis qu’ »elle conduit à la souffrance et à la croix.
La foi de Pierre craque devant l’annonce de la croix. Il n’y a peut-être pas que la foi de Pierre ! La nôtre n’est pas à l’abri !
Et vous, qui dites-vous que je suis ? Pour vous, qui suis-je ?
Nous avons sans doute, tous et toutes, des paroles d’Evangile qui sont des phares pour notre vie : Peut-être pas tout l’Evangile, mais quand même un certain nombre de comportements initiés par Jésus, qui nous ont séduits et qui ont fait de nous des chrétiens, et même des chrétiens convaincus sinon nous ne serions pas là. Le texte de St Jacques dans la deuxième lecture de ce jour convient sans doute à beaucoup d’entre nous quand il dit : « la foi, si elle n’est pas mise en œuvre est bel et bien une foi morte. Moi c’est par les œuvres que je te montrerai ma foi ».
Par contre, ce qui rebute Pierre dans l’Evangile de ce jour, ne nous laisse pas indifférents : Pourquoi fallait-il que le Christ souffrit tout cela pour entrer dans sa gloire, et pourquoi son Père Tout Puissant ne lui a pas évité le calvaire ? Et plus encore les paroles de Jésus ce jour : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive » Suivre le Christ dans son message, mais aussi dans sa passion, pour nous laisser entraîner dans sa résurrection. Faire nos Pâques, pas seulement le dimanche après les rameaux, mais à chaque fois que nos passages sont difficiles : Seigneur donne nous cette foi, surtout quand la route devient difficile. Amen