Homélie du dimanche 5 Septembre 2021
Deux aspects sont abordés dans les textes que nous propose la liturgie de ce dimanche : D’abord, dans l’Evangile que nous venons d’entendre, ce miracle de Jésus qui ouvre les oreilles et délie la langue d’un homme, (qui nous ressemble peut-être) et puis, dans la deuxième lecture de ce dimanche, une exhortation pastorale de St Jacques à ne pas faire de différence entre les personnes.
Nous pouvons commencer par cet aspect : J’ai des amis dans le Brivadois qui me donnent un exemple des dégâts que peuvent faire ou plutôt que pouvaient faire des comportements méprisants à l’égard de certaines personnes. Dans la famille de mes amis le papa est complètement athée, et même athée militant et il m’en a expliqué les raisons pas plus tard que cet été. Il est arrière-petit-fils d’une famille polonaise venue travailler en Bretagne. Sa maman ne parlait pas le français et son papa non plus, autant dire qu’il avait bien des difficultés à l’école. Son papa est décédé alors qu’il était encore enfant et sa maman est partie chercher du travail à Paris comme femme de ménage. Ils étaient de familles de tradition chrétienne comme beaucoup de Polonais. L’enfant a donc été envoyé au catéchisme où ses connaissances ne pouvaient pas se développer à cause de son niveau scolaire. Il ne savait pas dire ce qu’il savait et ne pouvait pas comprendre ce qu’on lui enseignait, il n’était bon ni à l’école ni au catéchisme. Quand est venu le temps des communions solennelles il avait l’âge alors il s’est présenté. Tous ses camarades avaient un beau cierge et lui, pour le punir on lui a mis entre les mains un morceau de bois et guise de cierge. Sa maman, et lui, à cause de cette humiliation, ont juré qu’ils ne mettraient plus les pieds dans une église, serment qui dure encore puisque 3 générations après l’Eglise est bannie de leurs fréquentations et leur critique est toujours acerbe contre une institution qu’ils qualifient de réservée aux riches.
Quand on pose un geste d’exclusion on ne sait jamais les conséquences de cet acte ni dans la durée, ni dans l’environnement des personnes. Notre Eglise n’est pas innocente de ces faits dans son histoire et chacun pourrait évoquer les mariages de première classe ou les funérailles avec ou sans tentures, ou la grosseur des cierges de communion, ou les places réservées ou bien d’autres pratiques. Le temps n’est pas à juger le passé, mais à éviter de refaire ces différences aujourd’hui. Notre Eglise se doit d’accueillir sans distinction, sans jugement, ni sur les apparences de la foi ni sur les situations dites normales ou non. Et ceci non pas à cause de quelques règles de bienséance tout à fait moralisatrices, mais à l’exemple de notre Seigneur et maître qui n’a fait aucune différence entre les personnes, qualité reconnue même par ses détracteurs pharisiens et soulignée par Pierre au livre des actes. Il nous est arrivé de célébrer des funérailles où le défunt était peu accompagné, j’ai toujours apprécié le fait que des membres de la communauté se dérangent discrètement pour accompagner tandis que la cérémonie était la même que lorsque l’église est pleine. Un ami, prêtre ouvrier, était très attentif aux vêtements liturgiques, les mêmes pour tous, disant combien les gens étaient sensibles même à ces détails. « Pour lui il a mis la chasuble et pour lui il ne l’a pas mise »
L’Evangile de ce jour est riche d’enseignements lui aussi. Le seigneur fait un miracle : Il délie la langue d’un muet et ouvre ses oreilles. C’est une guérison messianique qui doit être significative pour les témoins. Il accomplit un signe annoncé par les prophètes, ce que nous a dit Isaïe dans la première lecture. Notre Dieu créateur, a fait de l’homme un être de relation et pour cela il a voulu qu’il entende et qu’il communique avec ses congénères par la parole. On peut évoquer l’émerveillement des parents quand leur chérubin articule correctement « papa » ou « maman » Quand la nature est déficiente sur ces points, la science essaie rapidement et heureusement de mettre en place des moyens de secours tels que l’expression écrite, le langage des signes ou tout autre moyen. Nous savons bien que les personnes atteintes de surdité à cause d’un accident ou à cause du grand âge, risquent de s’enfermer, de s’isoler et de se priver de relations avec les autres. De plus, celui qui est sourd de naissance a souvent beaucoup de mal à parler car il ne sait pas reproduire les sons Tous les sens qui nous ont été offerts sont importants, mais l’ouïe et la parole sont essentiels.
Dans un contexte plus Evangélique, ces deux sens sont très utilisés. On ne compte pas le nombre de fois où Jésus dit « écoutez », ou encore « que celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ».
Nos oreilles doivent être en éveil par rapport à la Parole, dans tous les sens du terme car Jésus est « la parole » par excellence. Toute sa vie, et pas seulement ses discours, toute sa vie est La Parole de Dieu, selon la phrase de St Jean : « le verbe, c’est-à-dire la parole s’est faite chair ». Il ne s’agit pas seulement d’entendre la parole ce qui nécessite déjà d’être présent et de pouvoir utiliser une bonne sono, il s’agit d’écouter. D’où l’importance que la Parole soit bien proclamée en articulant et en rendant compréhensible ce qui est lu, il s’agit de la laisser pénétrer, non seulement dans nos oreilles, mais aussi dans tout notre être pour ne pas être comme les idoles « qui ont des oreilles et n’entendent pas, une bouche et ne parlent pas » En ce sens il est important de lire personnellement les textes du dimanche avant la messe et peut être de les relire après.
Jésus reproche à ses contemporains de ne pas écouter ses paroles et de garder un cœur aussi sec que le chemin sur lequel serait semée des grains. Cette remarque doit être valable pour chacune et chacun d’entre nous. Quand nous quittons l’église le dimanche matin, si on venait nous demander ce que Jésus nous a dit dans l’Evangile du jour, peut être serions-nous parfois muets, parce que nous avons été sourds !
Si nous n’écoutons pas la Parole il nous sera difficile de la proclamer, de la communiquer à ceux qui pourraient l’entendre et pourtant cela fait partie de notre mission de baptisés puisque, par notre baptême nous avons été faits prophètes, c’est-à-dire chargés d’annoncer la Parole de Dieu. Comment le faire si nous ne l’avons pas écoutée ? Mère Thérésa écrivait : « Nous sommes la seule Bible que les gens lisent encore » pour signifier combien notre témoignage et nos paroles sont essentielles dans la transmission. Nous ne sommes pas des chrétiens sourds muets : des catéchistes, des parents, des jeunes même, disent la parole et la rendent audible pour d’autres.
En ce début d’année scolaire et d’année pastorale nous avons à cœur de porter dans la prière tous ceux et celles qui acceptent cette mission de la transmission : C’est Dieu qui ouvre nos oreilles et délie notre langue.
Prions pour que notre communauté soit touchée comme le sourd muet de la région de Tyr. Amen
Père Joseph Valentin
Dessins de J.F.Kieffer