Souvenez-vous, dimanche dernier l’Evangile nous présentait le Christ Bon berger, qui donne sa vie pour ses brebis, qui souhaite que Sa Parole puisse rejoindre ceux qui ne sont pas de l’enclos, pour qu’il n’y ait qu’un seul troupeau et un seul pasteur. Aujourd’hui, en saint Jean Jésus utilise une autre image, une autre métaphore, celle de la vigne et des sarments. C’est une image qui peut parler encore une fois à la civilisation rurale dont nous sommes pour la plupart, même si chez nous il n’y a pas beaucoup de vignes, nous pouvons comprendre que le cep et les sarments doivent rester unis : On n’a jamais vu un sarment porter du fruit alors qu’il est séparé du tronc, du cep. Finalement, dimanche dernier le Seigneur nous invitait à faire communauté autour de Lui, le vrai berger, tout en restant ouverts à ceux qui ne sont pas de l’enclos, aujourd’hui il nous donne une directive pour vivre ensemble et il nous donne cette directive dans les trois textes de la liturgie de ce jour.
Dans l’Evangile : « restez attachés à la source de toute vie chrétienne, au Christ ressuscité, sans lui votre travail d’Evangélisation sera vain, sans lui vous serez des sarments secs qui ne donnent pas de fruit… ». Nous oublions trop souvent cette consigne de Jésus et nous nous évertuons à travailler pour l’Eglise en oubliant que « si le Seigneur ne bâtit la maison c’est en vain que travaillent les maçons, si le Seigneur ne garde la ville, c’est en vain que la garde veille » comme nous le dit la Bible …
Le « sans moi vous ne pouvez rien faire » ne s’adresse pas à nos occupations journalières mais au travail d’Evangélisation, d’annonce de l’Evangile. Autrement dit le Seigneur ne s’implique pas dans nos actions quotidiennes de jardinage ou de travail journalier qu’il nous laisse bien conduire à notre guise, mais il nous rappelle que si nous voulons travailler à Sa vigne, à Sa moisson, si nous voulons développer la vie de l’église et faire progresser la mission, il nous faut absolument demander son aide, et faire « avec Lui » au risque de nous échiner pour rien .
On cite Mère Theresa à qui ses sœurs disaient qu’elles n’arrivaient pas à faire tout leur travail par manque de temps et qui demandaient si on ne pourrait pas supprimer l’heure de prière du matin pour avoir plus de temps. Elle répondait : « on va donc désormais faire deux heures et doubler le temps de prière ».
De même un de mes conseillers d’éducation me disait : « je n’ai jamais appelé un élève dans mon bureau pour lui passer un savon sans avoir d’abord demandé à l’Esprit Saint de me souffler ce que je devais lui dire » .
Confier chaque jour l’éducation chrétienne des enfants et des jeunes, la foi de nos jeunes foyers, la vie de nos communautés au Seigneur, pour lui demander d’envoyer son Esprit Saint sur nos initiatives et notre travail, c’est peut-être cela « rester greffés sur le Christ » Nous pouvons tous le mettre en pratique.
Dans la lettre de saint Jean de ce dimanche, Jésus nous donne aussi des consignes pour le vivre ensemble dans nos communautés. C’est ce que le livre des actes nous donne en exemple quand il parle de la vie des premiers Chrétiens. St Jean le résume avec cette phrase : « Mettre notre foi en Jésus Christ et nous aimer les uns les autres comme il nous l’a commandé ». Ce n’est pas si facile à mettre en pratique. Qu’il y ait des points de vue différents entre nous c’est normal, des oppositions, des comportements différents c’est normal, mais il faut que l’Eucharistie nous rassemble au-delà de ces différences. C’est elle qui doit faire notre unité.
Notre pape a écrit dernièrement une encyclique qui s’appelle « Fratelli Tutti » tous frères, pour nous rappeler ce grand commandement de Jésus. Dans ce monde déchiré, opposé avec des conflits de toutes sortes qui séparent les communautés de croyants, les situations, les identités différentes c’est presque mission impossible, mais dans nos communautés ce n’est pas non plus évident. J’apprécie toutefois vos manières de vous retrouver, de vous saluer avant ou après les offices, de prendre le temps de vous parler, d’échanger des nouvelles. Vous vous connaissez, pour la plupart d’entre vous, mais ceux que vous ne connaissez pas, que nous, ne connaissons pas bien, ceux qui sont de passage, ou ceux qui n’ont pas eu la chance de naître à St Didier ou à La Séauve. Ceux et celles qui viennent de St Just et de St Victor ou de Malmont et qui sont maintenant membres de notre communauté St Luc en Velay ? Et ceux qui viennent encore d’autres horizons, quel est l’effort que nous pourrions faire pour devenir un peu plus « fraternels » ?, pour, toujours dans la lettre de St Jean « nous aimer les uns les autres comme Jésus nous l’a commandé ».
Quand le Virus nous aura donné la permission, il faudra sans doute organiser quelques marches ensemble, quelque repas, quelque pèlerinage, juste pour créer des liens et mettre de l’attention là ou parfois il y a un peu d’indifférence.
Dans l’Evangile de ce jour « Rester greffés sur le Christ comme les sarments sur la vigne », dans la lettre de St Jean « avoir foi en Jésus et nous aimer les uns les autres comme il nous l’a commandé » et dans la première lecture un exemple tout particulier d’accueil au-delà des préjugés. C’est l’histoire de St Paul ; celui qu’on appelait Saul de tarse et qui était connu comme un violent persécuteur des chrétiens. Il se convertit sur le chemin de Damas et il entre dans le groupe de chrétiens où il est accueilli avec beaucoup de méfiance, ce qui peut se comprendre, mais une méfiance qui va jusqu’à vouloir le supprimer par ceux qui sont déjà un peu à côté de la communauté, ceux de langue grecque. C’est Barnabé, qui prend Paul avec lui et qui le présente puis qui va le faire exfiltrer vers Césarée quand il voit que sa vie est en danger. Non la jeune Eglise n’était pas parfaite, pas plus que la nôtre qui vit parfois aussi la méfiance et même le refus de la différence.
Deux exemples : Un jeune prêtre vietnamien, Jérome Tran , actuel curé de Craponne et pétri de qualités, a été nommé à son arrivée dans une paroisse où jadis j’ai servi. Un matin je reçois un coup de fil d’un paroissien de naguère : « Tu viendras faire le mariage de ma fille, parce que on nous a mis le chinois, et moi je ne le veux pas … »
Une autre fois, alors que je célèbre ma première messe dans ma nouvelle paroisse je me fais aborder par une paroissienne zélée et très catholique qui me dit, sans préambule : « Je voudrais vous dire que je suis bien déçue. J’attendais mr l’abbé Untel comme curé et quand j’ai vu que c’était vous, j’étais bien déçue… » Je l’ai bien sûr remerciée pour son accueil et lui ai demandé de bien prier pour les vocations. Avec l’arrivée de confrères de Madagascar, d’Afrique ou d’ailleurs, avec des prêtres qui ne sont pas le modèle estampillé par certains, l’histoire de St Paul s’actualise parfois. C’est valable pour les prêtres mais aussi pour tous ceux et celles qui essaient d’animer la vie paroissiale.
Nous sommes, et je suis, parfois trop à l’image des juifs de langue grecque qui refusaient Paul après sa conversion. Les textes de ce dimanche nous donnent beaucoup à réfléchir pour élever nos comportements.