Deuxième dimanche de Pâques/ 11 Avril 2021.
Le doute fait partie de notre condition humaine, et ceci depuis toujours. Il est humain de douter ! Devant une affirmation que nous ne savons pas vérifier nous remettons en cause ce qui est affirmé : Galilée en son temps, en a fait l’expérience, mais plus près de nous je me souviens de ma voisine la vieille Julie, quand on a dit que l’homme avait marché sur la lune ! Elle est décédée quelques années après, persuadée que des journalistes voulaient lui faire prendre des vessies pour des lanternes et profiter de sa naïveté.
Ce qui me parait changé, c’est que nous doutons de plus en plus et que nous doutons de tout. Pour traduire cette invasion des fausses nouvelles, on a trouvé un mot, encore peu utilisé dans les confins du Lisieux, mais très répandu dans nos journaux télévisés : on parle des « fake-news » et aujourd’hui il ne se passe pas jour sans que les médias déchaînés ne véhiculent quelques nouvelles, sorties de l’imagination débordante des journalistes, ou, et c’est plus grave, distillées sciemment pour désorienter et influencer les auditeurs naïfs que nous sommes trop souvent.
Les moyens de communication modernes contribuent beaucoup à cet état de fait. On peut relater un événement et l’entourer de reportages et d’images complètement étrangères à l’affaire, on peut monter de toutes pièces des histoires, des événements qui n’ont jamais eu lieu, on peut faire marcher ensemble des personnages qui ne se sont jamais rencontrés, on peut tricher en permanence avec l’information.
A nous de savoir prendre nos distances face à tout ce qui envahit nos écrans et nos réseaux sociaux. Quand des gens assurent la véracité de tel ou tel évènement en disant « Ils l’ont dit à la télé » il faut peut-être garder une part de recul : Prudence, prudence !
Ainsi, à l’occasion des fêtes de Pâques on nous a présenté un écart de conduite dans une église traditionaliste. Cela a fait beaucoup de bruit jusqu’à faire les choux gras de quelques anticléricaux qui n’ont pas manqué de dire que les chrétiens mettaient la loi de Dieu au-dessus des lois humaines (exactement ce qui est reproché aux islamistes). Les quelques images présentées rendent elle compte de toute la réalité des faits ?
Et pendant ce temps-là on n’a pas parlé des milliers d’églises qui essaient, de leur mieux, de mettre en pratique les règles de santé publique. Ce qui ne manquera pas de faire dire que les catos, tous les catos, en général, ne respectent rien. Ce qui nous invite à bien faire ce qui est demandé, au risque, au moindre dérapage, d’attirer la critique sur toute l’Eglise. Quand il y a un dérapage, à un endroit, c’est tout le monde qui est jugé !
Comment vérifier l’authenticité de ce que l’on nous dit ? C’est de plus en plus compliqué, mais je crois qu’il nous faut d’abord regarder la source, la source de l’information et pour cela bien l’authentifier. Par exemple, vos prêtres ont reçu cette semaine un message de la conférence des Evêques et ils ont été surpris que ces Evêques soient aussi mauvais en orthographe. C’était bien sur un faux !
Quand je reçois un message, portant toutes les garanties possibles, pour me dire que j’ai gagné une somme faramineuse à un concours que je n’ai jamais passé, je vérifie seulement si ma poubelle n’est pas trop pleine ! Quand une association me sollicite pour un don alors qu’elle ne donne ni ses comptes, ni ses actions précises et vérifiables, la demande suit le même chemin. Vous aussi sans doute. Mais alors ? A qui pouvons-nous faire confiance dans cette société qui voudrait nous manipuler dans un but financier, politique ou autre ?
Il nous faut, tous et toutes rester attentifs à ce que nous avons reçu de ceux qui ont eu et qui ont notre confiance. Tous les livres qui sortent sur la résurrection du Christ, sur sa vie, ses miracles, ses paroles, tous ces livres ne sont pas des catéchismes et ne disent pas forcément la vérité . S’ils sèment le doute dans nos consciences, dans notre foi, dans nos convictions, il faut en parler et éventuellement les diriger vers les grands containers jaunes. Ainsi, certains romans, en apparence innocents, ont détourné de la foi de bons chrétiens qui ont trouvé là une remise en cause de leurs convictions.
Mais vous me voyez parti très loin de mon jumeau, Didyme, alias l’apôtre Thomas : Il est connu pour ses doutes, et pour la nécessité de vérifier ce que les autres lui disent. Il est notre jumeau, celui qui a de la peine à croire comme chacun de nous, il n’est pas le seul parmi les apôtres, à plusieurs reprises on nous dit que tous, avaient des doutes. Quand on parle de Thomas on oublie un peu trop sa belle profession de foi : « Mon Seigneur et mon Dieu »
Au début, il n’est pas avec les autres quand ceux-ci rencontrent le Seigneur. L’Evangéliste Jean nous dit là qu’il est important de ne pas être tout seul, qu’il faut faire partie d’un groupe. C’est vrai, Thomas va avoir l’annonce faite par l’équipe : « Nous avons vu le Seigneur », mais étrangement cette annonce ne lui suffit pas, il faut reconnaître qu’elle est énorme, défiant toutes les lois naturelles et qu’il est bien difficile d’y adhérer du premier coup. Thomas n’adhère pas à la profession de foi de la première Eglise : « Nous avons vu le Seigneur ».
Il a une foule de jumeaux Thomas ! Beaucoup de gens croient en Dieu, mais combien croient au Christ ressuscité, vivant aujourd’hui ? On dit que même des bons Chrétiens n’acceptent pas cette révélation ! Pour croire, Thomas a besoin de la rencontre même avec le vivant. « Cesse d’être incrédule, sois croyant ».
Nous n’aurons pas cette chance de pouvoir rencontrer le Christ nous parlant et nous montrant ses plaies. Nous aurons sans doute la chance de pouvoir nous imprégner de sa présence devant le tabernacle ou devant un sacrement, nous aurons peut-être la chance, la grâce de rencontrer des témoins qui ne disent pas seulement « nous avons vu le Seigneur », mais qui manifestent leur foi par leur manière de vivre. Notre foi n’est jamais d’une pureté parfaite, elle est marquée par beaucoup de petits doutes et elle reste fragile, même si nous pensons qu’elle est solide, même si, comme Pierre nous pourrions proclamer : « Même si tous venaient à te laisser tomber, moi je ne te renierai pas ! ».
Demandons les uns pour les autres la grâce de la foi, aujourd’hui et demain. Amen
Père Joseph Valentin