« Qui nous roulera la pierre ?» …  « En levant les yeux elles voient que la pierre a été roulée »

Dans les deux textes d’Evangile qui nous annoncent la résurrection de Jésus, il est question de la pierre qui doit être roulée :
En saint Marc ce sont trois très proches de Jésus qui se rendent au tombeau pour accomplir les rites funéraires des juifs, pour embaumer le corps du défunt et qui s’interrogent : « Qui nous roulera la pierre ». Les tombeaux en effet étaient fermés par une lourde pierre qui pourrait ressembler à une meule de moulin et qui demandait une certaine force pour être bougée.
Dans l’Evangile du dimanche de Pâques, en saint Jean, il est écrit qu’elles s’aperçoivent que la pierre a été enlevée du tombeau. Cette histoire de pierre n’est pas là par hasard et je me pose la question avec Marie Madeleine, Marie mère de Jacques et Salomé : « Qui nous roulera la pierre ?

C’était hier, ou, avant-hier, il y a quelques jours ou quelques années, on conduisait au cimetière une personne que j’aimais plus que tout, c’était mon frère, ou ma maman, mon épouse ou mon enfant, ou même un ami.
Son absence m’obsède jour après jour, sa présence me manque chaque jour autant que la veille, et quand je vais pleurer au cimetière cette question sans cesse me revient : « Qui roulera la pierre qui pèse sur mon cœur blessé, au point de chasser le sommeil de mes nuits, au point de provoquer parfois ma révolte, mon incompréhension, au point de mettre à mal ma foi que pourtant je croyais solide, au point que je dis parfois comme Marthe , la sœur de Lazare l’ami de Jésus : « Seigneur si tu avais été là mon frère ne serait pas mort, Mon Dieu si tu existais tu aurais empêché ce qui m’arrive.»
Qui me roulera la pierre pour que ma vie soit plus forte que mon deuil, pour que mon espérance soit plus forte que mes doutes, pour que je célèbre à nouveau chaque jour la vie plus forte que la mort, pour que j’entende à nouveau les rires de mes petits, que je sente la présence aimante des miens, pour que j’apprécie à nouveau le soleil sur ma peau et les fleurs au jardin … qui me roulera la pierre qui a écrasé tout cela ?

Et Pâques cette année se charge d’autres ténèbres, d’autres doutes qui m’envahissent parfois. Déjà l’an dernier nous avions fêté Pâques plantés devant un écran de télévision, sans communauté, sans messe de Pâques en « présentiel » comme ils disent aujourd’hui, et voilà que cela dure, et que cette année encore les choses ne sont pas comme elles devraient être.
Et c’est comme une pierre qui pèse sur chacun de nous, sur nos communautés, sur nos personnes en ephad, sur nos malades, sur les enfants et les jeunes et sur toutes les relations qui semblent naturelles mais dont l’absence se fait de plus en plus sentir. Cette pierre qui nous pèse dessus comme un couvercle qui étouffe tous nos élans, tous nos projets. Qui nous roulera la pierre ?

D’autant plus que d’autres soucis s’accumulent comme les nuages un soir d’orage : les violences qui ne cessent de se développer, la nature qui se venge du mal qu’on lui a fait, « le chacun pour soi et tous devant les écrans » qui s’installe comme le liseron au jardin. Toutes ces questions qui se posent à chacun de nous et qui font que beaucoup de jeunes couples ont peur et disent qu’ils ne souhaitent pas avoir d’enfants. Qui nous roulera la pierre ?
Et notre église qui ne va pas bien avec la chute des vocations, l’absence des enfants et des jeunes familles, le péché individuel et collectif qui freine ses élans, les changements qui bousculent et découragent. Qui nous roulera la pierre qui pèse sur l’avenir de nos communautés ?

Et puis il y a d’autres pierres qui gênent chacune et chacun d’entre nous. Cette petite pierre, ces petits cailloux coincés dans ma chaussure qui me gênent pour avancer, ils s’appellent ma timidité ou ma paresse, ou mon égoïsme, mon désir de paraître ou ce besoin que j’ai toujours d’être reconnu, ou tant d’autres bricoles. Ce n’est plus un caillou que j’ai dans ma chaussure, c’est un commencement de gravière. Qui pourra enlever ces pierres pour faciliter mes avancées ?

Qui pourra enlever cette pierre contre laquelle j’ai un jour trébuché, qui m’a fait tomber et j’ai tellement de peine à m’en relever ? Qui m’enlèvera la pierre qui alourdit mon sac à dos et qui freine tous mes élans ? ou bien la pierre qui m’a blessé surtout si on me l’a jetée dans le dos.

En ce jour de Pâques, comme les femmes au tombeau de grand matin, alors qu’il fait encore sombre dans le jardin mais surtout dans leur cœur, je m’interroge : « Qui me roulera la pierre »
Et je continue la lecture en saint marc : « Levant les yeux, elles s’aperçoivent qu’on a roulé la pierre qui était pourtant très grande »(étonnant ! Pour regarder une pierre il n’est pas courant de lever les yeux !) ou en saint Jean « Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin alors que c’est encore les ténèbres, elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau ».

« En levant les yeux » dit st Marc, mais c’est peut-être cela célébrer Pâques : « C’est lever les yeux, » C’est lever les yeux au-dessus de la réalité qui s’impose à nos sens . Pour les femmes au tombeau c’est le tombeau où la mort a fait entrer leur Seigneur et maître , pour moi quand je vais au cimetière c’est lever les yeux au-dessus des chrysanthèmes et de l’énorme peine qui me frappe. Pour nous tous aujourd’hui c’est lever les yeux au-dessus de tout ce qui se passe dans le monde. Pour les pécheurs que nous sommes, c’est lever les yeux au-dessus de toutes ces pierres grosses ou petites qui nous empêchent de vivre une vie pleine.
Parce que c’est le grand message de Pâques, « Qui nous roulera la pierre ? Personne, ! La pierre est roulée, le tombeau de Jésus est vide, il est ressuscité ! Et dans sa résurrection il entraîne celui ou celle que j’ai tant pleuré en pensant que tout était fini. Sans doute je ne vais pas sauter de joie car son absence se fait toujours sentir, mais j’entends, tout comme les femmes au tombeau : « Il n’est plus ici ! » Il est dans la communion des saints, dans la maison du Père, dans la Jérusalem d’en haut.

Qui me roulera la pierre qui pèse sur notre monde et sur notre église, mais elle est déjà roulée la pierre, car aujourd’hui nous est donnée l’espérance que le mal ne sera jamais vainqueur, à condition de nous appuyer sur la victoire du Christ. Quant aux pierres multiples qui freinent notre route, Jésus est venu nous en libérer. Comme aux disciples qui l’ont renié, qui ont dormi au lieu de prier, qui ont fui le laissant presque seul au calvaire, qui ont douté etc etc … il nous redit : « La paix soit avec vous, c’est ma paix que je vous donne. Je ne suis pas venu juger le monde mais le sauver. N’ayez pas peur, je suis avec vous chaque jour, jusqu’à la fin des temps, confiance j’ai vaincu le mal »

Que la paix soit avec nous aujourd’hui, la paix du ressuscité, oui que la paix soit dans chacun de nos cœurs avec la joie de Pâques. La pierre est bien roulée !