Voilà un passage d’Evangile qui nous est bien connu mais dont on ne retient en général que quelques aspects.

La première découverte c’est ce geste de colère du Seigneur. Nous sommes tellement habitués à des images doucereuses de ce Jésus doux et humble de cœur qui est gentil avec tout le monde que ce geste vis-à-vis des vendeurs nous surprend. Nous oublions d’autres attitudes qui nous montrent le visage du Christ moins consensuel. Quand il traite les pharisiens à plusieurs reprises d’hypocrites, et pire encore de sépulcres blanchis, très beaux dehors et remplis de pourriture au-dedans, on peut trouver des mots d’amour un peu plus doux.
Les Apôtres sont un peu surpris par cette attitude et la rattachent à une parole biblique : « l’amour de ta maison fera mon tourment » Moi je pense à tous nos gens qui ont comme Jésus, « l’amour de sa maison ». Ceux qui nous ont précédés et qui ont gravé leur foi dans la pierre, ici et ailleurs, faisant parfois de nos églises des œuvres d’art et des livres de prière et d’action de grâces, mais je pense tout autant à ceux, et surtout celles qui gardent les églises ouvertes, fleuries et accueillantes, à ceux et celles qui entretiennent les lieux de culte et les rendent propres et dignes d’y célébrer l’eucharistie et ça me donne l’occasion de les remercier. A nous, aujourd’hui, de garder ce patrimoine avec respect, propre, accueillant… A nous de le faire respecter dans une société qui ignore de plus en plus ce que c’est qu’une église.

Toutefois, nous risquons d’imaginer le temple où se déroule la cène des vendeurs à la manière de nos églises alors que la comparaison n’est pas possible. Il nous faut imaginer le temple de Jérusalem un peu comme une petite ville. Le cœur en serait le saint des saints, un espace où seul un prêtre désigné chaque semaine entre pour y brûler l’encens. Devant cet espace sacré se trouve un espace de prière relativement étendu car les foules pouvaient y rassembler un grand nombre de pèlerins. Tout autour de cet espace se trouvaient les logements des prêtres et des serviteurs du temple, nombreux.
Un espace réservé aux sacrifices quotidiens offerts dans le temple et ce n’était pas rien, on offrait des moutons, des bœufs et pour les pauvres des petites colombes on égorgeait les animaux et ils étaient brûles sur des autels assez gigantesques pour y brûler un demi-bœuf. Ce qui implique des stocks de bois, et des réserves d’eau très conséquentes. On retrouve aujourd’hui ces réserves appelées piscines pouvant contenir un grand nombre de mètres cubes d’eau pour nettoyer le sang des animaux et les restes du bûcher.
Les gens apportaient leurs animaux à offrir, mais on comprend la difficulté à venir parfois de très loin avec des béliers, des moutons et tout autre quadrupède à offrir alors on fait un marché sur place, comme un foirail.
Les juifs ne venaient pas tous d’Israël d’où un problème de change des monnaies que l’on retrouve dans le texte. On avait encore un espace pour les non juifs, appelés les gentils. C’était donc une véritable ville dans la ville avec ses services et sans doute ses excès car le commerce a vite fait de prendre le pas sur l’espace dédié au sacré.
Aujourd’hui comme hier : certains marchands ne s’embarrassent pas du respect de l’enceinte sacrée car il faut vendre et les meilleures places sont les plus rentables, dont une surenchère, et une Z.A.C., espace sacré, toujours à défendre contre le bruit, l’odeur, l’argent et ses dérives. Quand Jésus chasse tout ce monde mercantile il est déjà un peu loin de l’espace sacré, mais il s’en prend beaucoup plus à l’esprit de ce commerce qu’à la présence des vendeurs.
On n’achète pas son salut en offrant des moutons ou des chèvres, c’est le cœur de l’homme qui compte, son attitude, plus que ses avoirs, et la seule offrande digne du Père c’est Jésus lui-même.

Aujourd’hui il ne reste de cette vaste esplanade que le mur dit des lamentations, imposant et monumental, qui soutient les terrasses des mosquées musulmanes , et aussi, dessous , le tunnel d’Ezéchias qui conduit à une source.
La tentation de « faire des affaires « avec la religion ne date pas d’hier et je ne suis pas certain que quelques dorures du Vatican , avec la désinvolture irrespectueuse et parfois grossière des touristes ne mériteraient pas le même sort que les marchands du temple : « Si le Seigneur revenait ! » . On parle du « palais des papes », des résidences seigneuriales de certains cardinaux ce qui est scandaleux pour les serviteurs d’un Christ pauvre qui n’avait pas où reposer sa tête.
Heureusement il y a des papes comme Bergoglio qui prend le bus comme tout le monde, qui mange à la maison Ste Marthe avec le personnel et qui loge dans un appartement des plus simples.
On se souvient, dans une histoire pas si ancienne, de ce que l’on a appelé la « simonie » qui consistait à acheter son salut en même temps que des indulgences. La révolte de nos frères protestants contre cette pratique et leur départ de l’église catholique mérite tout notre respect et notre reconnaissance car ils nous ont fait réfléchir et la simonie a disparu de nos pratiques. Les classes pour les mariages ou les enterrements, selon la fortune des familles, les cierges de communion de différentes grosseurs, les places réservées ne sont pas de l’histoire très ancienne, même si ce n’est, heureusement, plus d’actualité.
Il n’en reste pas moins que toujours l’Eglise doit se méfier de ne pas faire de la maison du Père ou de la pratique religieuse une maison de commerce, une maison de trafic, une affaire d’argent. Visiblement le Seigneur n’est pas d’accord. Ce passage que nous venons d’écouter, mais aussi l’histoire de la veuve qui met deux piécettes dans le tronc ou les paroles du Christ qui nous dit que nous ne pouvons pas servir Dieu et l’argent doivent nous tenir en éveil.

Dans le saint des saints de nos églises nous avons un espace réservé, le cœur de l’Eglise, c’est le Tabernacle où Jésus est présent sous le signe de l’hostie consacrée et aussi le pupitre des lectures appelé l’ambon, où est proclamée la parole. C’est cette présence que nous vénérons par une génuflexion, par une inclinaison, par un beau signe de croix par une courte prière d’adoration. C’est cette présence réelle que nous vénérons et que nous avons à faire respecter.
Mais que venaient vénérer les juifs dans le temple, à l’époque de Jésus ? Dans leur tabernacle, dans leur saint des saints, il y avait les tables de la loi donnée par Dieu à Moïse : le cœur de la foi et de la pratique de la religion juive. La première lecture de ce dimanche nous en a donné un aperçu qui pourrait être complété par bien d’autres paroles parfois très concrètes et très actuelles malgré leurs 3000 ans d’âge. Jésus connait cette loi parfaitement, Il la respecte, il s’y soumet quitte à la cadrer quand la pratique s’attache plus à la lettre qu’à l’esprit, ou quand les commentaires qui en sont faits la détourne de son sens initial.

Dans l’Evangile de ce jour Jésus vient renverser non seulement un culte qui pouvait être mercantile et connaître quelques abus, un culte qui était fait avec des sacrifices d’animaux, mais il vient donner une loi nouvelle, celle de l’Evangile, de sa Parole, seul chemin vers le Père.  « Détruisez ce temple et en trois jours je le reconstruirai » Il vient donner la seule offrande qui est digne du Père et qui remplace tous les sacrifices de l’ancienne loi, il vient donner sa vie, toute sa vie, offerte sur la croix pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Il vient nous donner l’offrande qui remplace toutes les offrandes passées, le sacrifice eucharistique, non sanglant, perpétué dans chaque messe jusqu’à la fin des temps. Vous connaissez par cœur, et sans doute un peu trop par cœur les paroles de la prière eucharistique ; « Faisant ici mémoire de la mort et de la résurrection de Ton Fils , nous t’offrons Seigneur le pain de la vie et la coupe du salut » ou encore dans une autre formule : « En faisant mémoire de la mort et de la résurrection de Jésus, , en attendant qu’il vienne dans la gloire, nous t’offrons son corps et son sang , le sacrifice qui est digne de toi et qui sauve le monde . »

Jésus chasse les marchands, mais il remplace surtout l’ancien culte fait de sacrifices d’animaux, par l’offrande de son corps et l’ancienne loi par l’Evangile.

Nous pouvons retenir différents aspects des textes de ce dimanche : Le respect de nos bâtiments religieux manifesté par leur propreté, leur fleurissement, leur accueil. La vénération des deux espaces essentiels dans l’Eglise : L’ambon où la Parole est proclamée et le tabernacle demeure du saint sacrement, à vénérer par une inclinaison, une génuflexion ou un beau signe de croix. Le respect du corps de toute personne comme étant l’endroit où Dieu habite, marqué par le signe de l’encens aux funérailles, enfin l’exigence manifestée par Jésus de ne pas faire de notre relation à Dieu une affaire d’argent. Et sans doute d’autres aspects notés par chacun.

Notre marche vers Pâques se poursuit, puissions-nous entrer plus avant dans la connaissance de notre Dieu et de son Christ. Amen

Père Jo Valentin