Hier nous fêtions le mardi gras, qualifié parfois de carême prenant, pour désigner les jours où tous les excès étaient permis, le jour où la tradition faisait porter le masque à bien des gens. Mais cette année ce n’était pas la peine, pour ce qui est des masques nous étions déjà servis et les manifestations joyeuses avec déguisements et musiques endiablées ont dû être rares. Nous avons tous et toutes déjà des « Faces de carême! »
C’est vrai le carême a mauvaise presse, il ne fait rêver personne, sauf les masos, ça va de soi, d’ailleurs on entend rarement dire « chic on va bientôt être en carême ».
Il commence par la cérémonie des cendres que nous sommes en train de vivre : les cendres ? On connait plus gai : C’est froid, c’est sale, c’est triste. Quelques fois nous avons commencé la cérémonie en regardant un feu s’éteindre pour penser à tout ce qui bat de l’aile dans notre vie.
Et on reçoit ce signe avec deux formules au choix du célébrant. La première qui dit « convertissez-vous et croyez à l’Evangile », passe encore, mais la deuxième ne me fait pas danser de joie : « souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière ». C’est une phrase tirée du livre de la Genèse, dans la Bible, après la faute de nos premiers parents, alors que le diable leur a dit qu’ils seraient comme des dieux. Le Créateur leur remet les pieds sur terre et leur dit cette phrase avec tout un panel d’autres bonnes nouvelles, depuis la douleur des accouchements jusqu’au pain qu’il faudra gagner à la sueur de son front.
Je crois connaître d’autres passages de l’Evangile où les mots d’amour sont plus réconfortants.
Cette phrase attachée au rituel du mercredi des cendres me semble avoir été introduite là à une époque janséniste. Ce n’est quand même pas très positif de dire à quelqu’un qu’il est poussière. Ce n’est d’ailleurs pas vrai : Nous ne sommes pas poussière, nous sommes des hommes et des femmes créées à l’image de Dieu, qui a trouvé sa création belle et bonne » et nous ne retournerons pas en poussière, même si notre corps doit être détruit, nous sommes enfants de Dieu appelés à la résurrection et nous dit St Jean « quand nous verrons Dieu nous serons semblables à Lui car nous le verrons tel qu’Il est ! »
Je trouve que la période que nous traversons est assez morose, que beaucoup de gens ne sont pas bien, ni dans leur tête, ni dans leurs relations familiales et sociales, ni dans leur santé, ni dans leur travail et qu’il n’est pas nécessaire que l’Eglise mette ses fidèles au pain sec et à l’eau pour rajouter de la morosité à la morosité. Non le mercredi des cendres et les jours qui suivent ne devraient pas nous alourdir encore la marche, mais plutôt nous tourner vers les lueurs de Pâques, parce que le carême ce n’est pas un but en soi, c’est une marche vers Pâques, la victoire du Christ sur la mort et sur toutes nos petites morts quotidiennes pour, selon l’expression de saint Paul, « ressusciter avec le Christ »la victoire du Christ est et sera notre victoire !
Alors aujourd’hui, laissons-nous réconcilier avec le Christ comme le dit encore St Paul dans la deuxième lecture et pour cela rapprochons nous de Lui pour ne pas être seuls, ni dans notre volonté de bien vivre l’Evangile, ni dans nos épreuves ou nos difficultés, car « il est avec nous tous les jours jusqu’à la fin des temps » et nous l’oublions trop souvent. Il nous dit « venez à moi vous tous qui peinez et vous trouverez le repos »
Alors oui, aujourd’hui nous le prions : « convertis nous Seigneur et nous serons convertis, fais-nous revenir à Toi et nous serons sauvés ». Ce sont des mots de carême eux aussi, tout comme le psaume de David qui se termine par ces phrases : « Rends-moi la joie d’être sauvé, que l’Esprit généreux me soutienne, Seigneur ouvre mes lèvres et ma bouche chantera ta louange !
C’est
déjà moins angoissant que cette histoire de retourner en
poussière ! Alors je veux bien jeûner,
comme d’autres le font pour une bonne cause ou pour une bonne
raison. Non pas jeûner
seulement de ce qu’il me faut pour vivre, mais je voudrais jeûner
de tout ce qui m’empêche d’être libre, la télé, le portable
ou l’alcool, la routine, l’égoïsme, la rancune, le confort ou
l’orgueil, que le Christ appelait l’hypocrisie dans l’Evangile
de ce jour. Enfin je laisse chacun faire son examen de conscience !
Mais
si jeûner
pour toi c’est ne mettre qu’un seul sucre dans ton café au lieu
de deux, si c’est juste éviter de manger le gâteau que tu prends
d’habitude (ce qui va te rendre de mauvaise humeur pendant le reste
de la journée,) j’ai envie de te dire « beauseigne ».
Mais
si jeûner
c’est te rappeler que d’autres n’ont pas le nécessaire, si
jeûner
c’est éviter de gaspiller ou de faire des excès de toutes sortes
quand d’autres manquent de l’essentiel, si jeûner
c’est partager, ton temps, tes engagements, ton attention à
l’autre, ta bonne humeur et ton optimisme là où ça déprime, si
c’est prendre ta part dans le respect de la planète, éviter ce
qui n’est pas juste.
Si jeûner
c’est te remettre en cause pour revoir tes comportements, dans ta
famille, dans ta ville ou dans ton église, alors oui, ne prends pas
un air triste comme les hypocrites dont nous parle l’Evangile de ce
jour, ne prends pas une face de carême, lave toi le visage et
parfume toi la tête car grâce à toi le monde, l’église, la vie
seront meilleurs et tu seras en marche vers Pâques et tu laisseras
derrière ta porte la morosité et le découragement.
L’autre, ton voisin, ou l’autre plus loin, feront comme toi et ensemble, en peuple, en église nous vivrons un peu plus, un peu mieux l’Evangile comme bonne nouvelle.
Le carême ne sera plus une corvée, mais une chance de faire redémarrer ce qu’il y a de meilleur en chacun de nous.
Seigneur c’est ensemble, en communauté, en Eglise que nous voulons nous soutenir pendant ce temps que Tu nous donnes, non pas comme un temps de tristesse, mais comme une marche vers la Lumière : Soutiens chacun de nous, soutiens notre communauté pour que nous fassions un beau carême . Amen