Les textes de ce dimanche nous parlent de lèpre. Cette maladie est à ma connaissance inexistante dans notre pays et en forte régression dans le monde (grâce notamment aux dons répétés et conséquents aux associations qui la prennent en charge, telles que l’association Raoul Follereau que vous avez aidée généreusement l’an dernier avec un chèque de 230 euros.) Au temps de Jésus cette maladie était très courante, connotée de l’idée de punition divine, (impur) et elle demandait une mise à l’écart systématique de toute personne atteinte. La première lecture nous a décrit cette situation. (C’est déjà stigmatisant d’être atteint d’une maladie grave, si , en plus , on est mis à l’écart, coupé des siens et coupés de la société, c’est encore bien plus difficile à vivre. Nos malades actuellement en font l’expérience quand on ne peut pas aller les voir à cause du covid .)

Coupés des autres, les lépreux étaient aussi coupés de Dieu Dans l’Evangile Jésus rencontre un lépreux. Jésus, le Christ ne se coupe pas des malheureux, de ceux qui souffrent, des malades, au contraire il se fait proche d’eux. Il transgresse la loi en touchant cette personne, en lui parlant, puis en le réinsérant dans la société en lui demandant de bien respecter ce qui était prévu en cas de guérison, une offrande et un constat établi par les prêtres.
Ce qui est étonnant dans cette scène d’Evangile, c’est que les rôles sont inversés : au début le lépreux est à l’écart des villes, dans des lieux déserts, généralement là où on mettait les immondices, Jésus le remet dans la société par la guérison qu’il opère et c’est Lui, Jésus, qui est mis à l’écart.
Le texte nous dit qu’il ne peut plus entrer ouvertement dans les villes, mais doit rester à l’écart, dans des endroits déserts.

Cette situation me fait penser à un texte que vous pourrez trouver dans la revue diocésaine ‘’Eglise en Haute Loire’’. A une époque pas si lointaine il y avait des lépreux en France et aussi dans notre région. Comme dans l’ancien testament ils étaient exclus, mis à l’écart de la société, (on dirait aujourd’hui confinés) dans des lieux fermés appelés léproseries ou lazarets … peut-être que la chapelle saint Roch a été utilisée en ce sens, je ne saurais le dire. Mais à Brioude on retrouve facilement la trace de la léproserie, au lieu dit ‘’la Bageasse’’, sur la presqu’ile formée par le confluent de l’Allier avec la rivière Senouire. C’est là que prend naissance la statue du Christ lépreux dont je retrouve l’histoire publiée dans ‘’Eglise en haute Loire’’, par un auteur que, je pense, vous devez connaître. En voici le texte.

Le Christ Lépreux, Basilique de Brioude.

« Il s’est dépouillé lui-même alors qu’Il portait le péché des multitudes et qu’il intercédait pour les pécheurs » Isaïe le serviteur souffrant. Chapitre 53

En entrant dans la basilique St Julien de Brioude on ne peut pas ne pas remarquer le grand Christ qui s’y trouve. Le corps est couvert des pustules de la lèpre alors que le visage est particulièrement frappant : Son regard est fascinant et ne quitte pas celui qui prend le temps de le contempler.
La légende (ou l’histoire) affirme que cette représentation du « Christ lépreux » a été réalisée par un artiste « confiné » dans la léproserie de la Bageasse située tout près de là, sur la presqu’ile au confluent de l’Allier et de la Senouire .
Après avoir sculpté le corps du Supplicié l’artiste se serait allongé sur lui, alors sa lèpre l’aurait quitté, tandis que les pustules se fixaient sur le bois de la statue. Si les faits échappent à l’histoire ils sont merveilleusement accordés à la parole de Dieu au chapitre 53 du livre d’Isaïe :
« Homme des douleurs, familier de la souffrance, ce sont nos maladies dont il s’était chargé, nos plaies qu’Il portait » (Verset 4)

Relativement loin de Brioude, serpente le chemin de St Jacques, lui aussi hérissé de croix. Les pèlerins ont une habitude qui rappelle l’histoire du Christ lépreux. Ils prennent dans leur main un caillou du chemin et le serrent fort en pensant à tous les cailloux de leur chemin personnel : celui sur lequel leur pied a butté jusqu’à les faire tomber, celui qui les a frappés en pleine face ou pire encore dans le dos, celui qui s’est glissé dans leur chaussure parfois pendant des années, les empêchant d’avancer au même rythme que les autres, celui qui alourdit leur marche comme un poids lourd à porter, celui qu’ils ont sur le cœur comme la pierre froide d’un deuil …. Ils marchent avec leur pierre dans la main jusqu’au moment où ils se sentent capables de la déposer au pied d’une de ces croix du chemin, comme le sculpteur du Christ lépreux. Peut-être entendent-ils alors la parole de Jésus : « venez à moi, vous tous qui peinez, et moi je vous donnerai le repos ».. . N’oublions pas le regard du Christ lépreux !

Publié dans la revue  »Eglise en Haute Loire » de Février 2021. Auteur Jo Valentin.