Nous poursuivons la lecture de l’Evangile selon Saint Marc. Dimanche dernier Jésus appelait ses disciples et les invitait à marcher à sa suite pour devenir « pécheurs d’hommes ». Aujourd’hui la mission commence et dans Saint Marc il y aura sans cesse cette question : « Mais qui est-il celui-là ? ». En effet, globalement, nous chrétiens confirmés, nous savons qui est Jésus, mais les gens de son époque, les premiers auditeurs qui se sont pressés sur les bords du lac de Tibériade doivent bien se poser cette question : Qui est ce Jésus ? La réponse en Saint Marc, nous sera donnée seulement en toute fin de son Evangile, par la voix du centurion romain qui assistait à la mise en croix : « vraiment cet homme était le fils de Dieu ». Auparavant il nous faut regarder Jésus, l’écouter, assister aux miracles et avancer avec Marc dans cette découverte, au risque de nous laisser surprendre par de faits, des gestes, des paroles qui nous déconcertent parfois, comme l’attitude de cet homme à l’esprit impur aujourd’hui qui sait, lui, d’emblée , qui est ce Jésus : « je sais qui tu es, Tu es le Saint de Dieu »…
Arrêtons-nous sur le premier mot de cette définition de Jésus : « Il enseignait, en homme qui a autorité et non pas comme les scribes »
Jésus enseigne, il enseigne dans la synagogue, c’est-à-dire dans la maison de prière où les juifs viennent écouter la Thora. Ce n’est pas la première fois que nous voyons Jésus prendre la parole dans ces circonstances. A plusieurs reprises chez Marc ou chez d’autres évangélistes on voit Jésus prendre la parole dans une assemblée de fidèles. Le responsable lui confie la lecture d’un passage de la loi ou un passage d’un texte des prophètes, Jésus le lit, ou plutôt le proclame, puis il le commente.
Et souvent son commentaire fait mouche. Il interpelle les fidèles qui souvent contestent cette parole : Qui est-il celui-là pour dire des choses pareilles ? d’où lui viennent cette science des choses de la foi et de telles connaissances ? N’est-il pas simplement le fils de Joseph le menuisier de Nazareth ?
Nous, nous connaissons la réponse, nous savons que Jésus, non seulement connaît la Parole des prophètes, mais il est l’accomplissement de cette parole, il est, lui, la parole incarnée .
Dans cette même synagogue de capharnaüm il pourra dire un jour : « cette parole que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit » On comprend fort bien la bronca de l’auditoire peu enclin à ce que cet inconnu, qui n’est même pas du coin, puisse s’approprier ainsi La Parole.
Les scribes qui ordinairement commentaient la parole en restaient à un vague commentaire qui ne rejoignait pas la vie des gens . On lisait la loi, on l’expliquait mais sans l’appliquer au concret de la vie. Saint Marc nous dit que Jésus enseignait comme un homme qui a autorité et non pas comme leurs scribes. Autrement dit sa parole percute les gens, les remet en cause, les interpelle, les invite à une mise en route. Sans doute, jamais aucun prédicateur, si zélé soit-il, ne pourra commenter la Bible comme jésus, car cette parole fait vraiment corps avec lui, il la lit, il la dit, mais surtout il la vit.
Pourtant cette ligne de
l’Evangile devrait interpeller tous ceux qui, osent monter en
chaire pour faire un commentaire d’Evangile.
Est-ce que le
commentaire que nous faisons, que je fais, interpelle la vie des
gens ?
Est-ce qu’il est assez clair, assez concret pour
qu’il permette aux gens de découvrir un petit peu mieux qui est
jésus ?
C’est une véritable invitation à ne pas
bâcler une homélie, à ne pas en faire un temps soporifique qui
laisse les paroissiens dans une douce torpeur, sans doute
béatifiante, mais pas du tout vivifiante ! Pour nous
prédicateurs, c’est une invitation à bannir les homélies prises
sur internet ou sur quelque revue spécialisée, mais dans lesquelles
nous sommes un peu étrangers, à coté.
Voilà pour les prédicateurs.
Quant aux fidèles, très fidèles laïcs, qui doivent faire l’effort
d’écouter chaque dimanche une parole qui passe bien souvent très
loin au-dessus de leurs préoccupations, et, quand ils n’ont qu’un
seul prêtre nommé pour leur communauté, doivent faire l’effort
d’écouter la même voix, les mêmes exemples, 52 dimanches sur 52,
(ce qui, je le reconnais relève au moins du mérite,) ne
seraient-ils pas concernés, eux aussi par cet exemple du Christ
enseignant ?
Notre baptême, je le dis souvent, nous a
faits, prêtres, prophètes et rois…Prêtres pour la célébration
et la prière, rois pour la charité et le service des plus faibles
et prophètes,
c’est-à-dire appelés à dire Dieu, à annoncer la Parole, à la
commenter.
Notre Eglise catholique a
cantonné depuis très longtemps les fidèles à ce rôle
d’écoutants, ce qui n’est pas forcément la mise en application
du rôle de prophète reçu au baptême. Cette habitude, bien ancrée
dans nos comportements et sans doute aussi pas trop exigeante, nous
place aujourd’hui devant une difficulté à trouver des laïcs qui
acceptent de faire un commentaire de la parole.
Nos frères
protestants ont beaucoup d’avance sur nous dans ce domaine. C’est
possible chez les protestants, mais chez nous ce serait impossible ?
Et pourtant, regardons comment les choses ont évolué :
Il
y a quelques années, jamais un laïc, surtout une femme, n’aurait
été autorisée à lire la parole de Dieu à l’Eglise, seuls les
clercs le pouvaient.
Puis cette habitude s’est estompée peu à peu et c’est très
agréable que des voix différentes, y compris des voix d’enfants,
s’appliquent à proclamer la parole chaque dimanche.
Pour
commenter la parole chacune et chacun a beaucoup d’appréhension et
c’est normal, peur de ne pas savoir faire, peur du regard des
autres qui diront certainement, comme dans l’Evangile de ce jour
« Qui est-il celui-là pour parler ainsi ? »
Pourtant là aussi les choses avancent : ainsi, des
mouvements comme le M.C.R. font très bien leurs réunions, avec une
réflexion sur l’Evangile, en l’absence de prêtre. Des mamans
expliquent la parole de Dieu à un groupe d’enfants. De
plus en plus, dans le cas de célébrations de funérailles en
l’absence de prêtre des laïcs font un commentaire des textes
qu’ils viennent de lire.
Des
orientations diocésaines nous invitent à réfléchir à des
célébrations dominicales en l’absence de prêtre, comment faire
en sorte que ces petites communautés subsistent, autrement qu’en
les aidant à se réunir seules autour de la parole de Dieu ? Les
gens peuvent se prendre en charge et avancer, Parce qu’il y a des
moyens qui sont là pour nous aider, parce qu’il y a des documents,
parce que les prêtres peuvent aider, parce que surtout, l’Esprit
saint est à l’œuvre dans l’Eglise et continue à faire toute
chose nouvelle.
Mais il faut nous imprégner, tous, de la
Parole de Dieu, la découvrir, chercher à la comprendre, nous en
nourrir. Le
carême va commencer, et nous proposerons une fois encore des
réunions pour lire ensemble les textes. Les comprendre, nous en
nourrir.
Et demain nous pourrons mieux les proclamer … Affaire à suivre !