Le Pape François a voulu que ce dimanche 24 janvier soit le dimanche de la parole. C’est l’occasion pour les chrétiens de réfléchir à la place de la Parole de Dieu dans leur vie et dans leurs liturgies. Le pape souhaite que le 3 éme dimanche du temps ordinaire soit consacré à la célébration, à la réflexion et à la proclamation de la Parole de Dieu par tous, nous rappelant ainsi que le rapport à l’écriture sainte est toujours vivant. C’est sous l’action de l’Esprit Saint que la parole de Dieu s’est écrite en langage humain et c’est toujours à la lumière de l’Esprit que nous pouvons aujourd’hui, de ce langage humain, recevoir de Dieu lui-même la parole qui donne vie. (Prions en église, page 176)
Dans
nos liturgies, d’une seule voix, après une lecture nous acclamons
ce qui vient d’être lu : « gloire à toi Seigneur »,
ou « louange à Toi Seigneur Jésus », peut-être est-il
nécessaire de réfléchir un peu à ces affirmations, surtout quand
le texte qui vient d’être proclamé nous déroute quelque peu.
Par
exemple, dimanche dernier nous avons écouté l’appel des Apôtres,
en Saint Jean qui nous parlait de Jean Baptiste montrant l’Agneau
de Dieu, des disciples qui se répercutent l’appel entendu et même
de l’horaire 4 heures de l’après-midi.
Aujourd’hui, en
Saint Marc, l’appel est tout à fait différent, il se situe après
la mort de Jean Baptiste, au bord du lac de Galilée et c’est Jésus
qui appelle directement des hommes occupés à leur métier de
pécheurs.
Si nous lisons l’appel des apôtres chez Matthieu
ou chez St Luc nous aurons d’autres versions. Qui croire et comment
se retrouver ?
Autre difficulté, comment lire des
passages comme dans la première lecture d’aujourd’hui où le
dénommé Jonas traverse Ninive en une journée à peine alors que
l’on vient de nous dire que c’était une ville extraordinairement
grande et qu’il fallait trois jours pour la traverser.
Faut-il
prendre à la lettre tout ce qui est écrit et lu chaque dimanche ?
Même chose quand St Paul dans la deuxième lecture de ce jour
nous a dit : « Le temps est limité, dès lors que ceux
qui ont une femme soient comme s’ils n’en avaient pas … »
Je ne parle pas du monde créé en 6 jours, du déluge qui
inonde toute la terre, des plaies d’Egypte, et de quelques autres
passages qui font tousser les historiens et qui font rire aux éclats
les détracteurs de notre religion.
Plusieurs remarques me viennent à l’Esprit, sans avoir la prétention de tout dire, et sans pouvoir répondre à toutes les questions.
-D’abord,
la Bible se lit « en
Eglise », c’est-à-dire à plusieurs,
à la lumière de l’Esprit Saint et à la lumière de ceux qui
ont, depuis les premiers siècles guidés les croyants dans cette
lecture.
Ceux qui ont choisi un autre fonctionnement se
retrouvent aujourd’hui « témoins de Jéhovah » qui
font dire des choses invraisemblables aux textes qu’ils choisissent
en éliminant ceux qui les dérangent, ou protestants qui ont choisi
la libre interprétation de la Bible et qui en sont arrivés à une
dispersion d’églises acceptées ou non dans la fédération des
églises de France. Sur notre seule Haute Loire j’avais recensé 14
églises différentes depuis les darbystes jusqu’aux calvinistes en
passant par les évangélistes, et autres pentecôtistes.
-Deuxième
remarque : Il
ne faut pas prendre la Bible pour ce qu’elle n’est pas, à savoir
un livre d’histoire ou un livre de science
présentant des évènements historiques ou scientifiques.
En
ce qui concerne la relation à l’histoire on pourrait résumer
ainsi : Il y a eu un fait historique qui s’est réellement
passé. Sur le moment personne ne l’a relaté, puis un ou des
croyants, ont relu, parfois très longtemps après les faits, ce qui
s’était passé à la lumière de leur foi et alors, ils y ont vu
la place de Dieu, et sous le souffle de l’Esprit Saint, ils ont
rédigé le texte que nous lisons aujourd’hui.
Par rapport à
la science on pourrait également résumer ainsi : Pour répondre
aux grandes questions des hommes, les auteurs de la Bible ont utilisé
les connaissances scientifiques de leur époque et les ont mises en
forme avec ce qui correspondait à leur foi, toujours sous
l’influence de l’Esprit saint. Ainsi les récits de la création.
Qui n’hésitent pas à introduire des incohérences évidentes
(lumière crée avant le soleil, double récit etc.…) car le but
n’est pas de
dire comment les choses se sont passées (c’est le travail de la
science) mais ce que la foi peut lire dans ces évènements.
-Troisième remarque : Les différents auteurs de la Bible sont insérés dans une époque, une mentalité, d’autres religions, une culture et ils vont utiliser cette culture pour rédiger leur texte et nous livrer le message que Dieu veut nous transmettre, ainsi les récits de la création se retrouvent dans d’autres cultures mais avec un regard totalement différent sur le Créateur, ainsi le déluge, la tour de Babel, Moïse sauvé des eaux etc. Comment un croyant peut-il lire et diviniser ces mythes , c’est ce que l’auteur a fait.
-Quatrième remarque :
Les auteurs des
textes sacrés utilisent des moyens d’expression différents,
appelés styles littéraires .
On y retrouve :
l’épopée par exemple dans la
sortie d’Egypte, un peu comme nous quand nous écoutons le récit
des exploits de nos chasseurs,
la poésie, (par exemple le
cantique des cantiques),
le conte, (nous venons d’en lire un
passage avec l’histoire de Jonas),
ou encore le style codifié
des légistes
Je ne sais pas quel nom donner au style de
l’Apocalypse, mais il nous est un peu impénétrable car il fait
allusion à des tas de symboles qui nous sont étrangers.
De
même les nombreux textes qui sont écrits à partir de la vie rurale
de l’époque, le berger, le semeur, le pécheur, les récoltes,
etc… Nous pouvons aisément en comprendre le sens parce que nous
sommes d’une civilisation rurale, mais qu’en est-il des jeunes
issus des Minguettes
ou de la Courneuve qui ne font pas la différence entre un sureau et
un sapin et qui croient que les vaches donnent directement le beurre
en plaquettes ? Quand aujourd’hui nous lisons la fable du
corbeau et du renard, il ne nous vient pas à l’idée qu’un jour
une graille a volé un fromage et a tenu conversation avec un renard,
mais nous sommes capables de comprendre le message qu’il y a
derrière ce récit. De
même aujourd’hui quand on nous dit que Jonas a traversé Ninive en
une journée en proclamant la conversion, alors qu’il fallait trois
jours pour la traverser il nous faut comprendre le message et ne pas
prendre Jonas pour un champion de marathon.
Parfois dans une
lecture, une seule phrase accroche notre attention et notre pensée,
et cela suffit, même si le reste de la lecture nous est resté
hermétique.
Ce qui est embêtant c’est quand, en sortant de
l’église on nous demande quelle était la parole de Dieu et que
nous sommes incapables d’en exprimer la moindre idée. C’est
dommage. Dieu nous a parlé et nous sommes resté sourds à sa
parole. Nous n’avons même pas décroché le combiné !
– Parfois certains récits, et même certains livres dans leur totalité sont de véritables catéchismes qui mettent en scène un personnage pour transmettre un enseignement. Je prendrai l’exemple du livre de Job, qui veut répondre aux questions que, depuis toujours les hommes se posent sur la mort. (Job n’a sans doute jamais existé, son livre a été écrit sur plus de 40 ans) mais il donne un enseignement très actuel. La situation de Jonas dont nous venons de lire un passage est du même ordre.
–Faut-il
donc penser que tes récits de la Bible et surtout de l’Evangile
sont totalement imaginaires ?
La multiplication des pains n’aurait pas existé, la pêche
miraculeuse non plus, et pire encore les récits de la passion et de
la résurrection n’auraient pas de réalité ?
Bien
sûr que non. Le Christ a réellement multiplié les pains,
réellement calmé une tempête, réellement souffert la passion.
Mais si chaque Evangéliste en donne un récit un peu
différent, c’est parce que son regard est un peu différent, son
enseignement plus ou moins appuyé sur tel ou tel aspect, son
expérience un peu différente et sa découverte, sa connaissance de
la réalité incontestable du Christ forcément un peu différente de
celle des autres.
De même, quand nous, humbles croyants qui ne
savons pas toutes les finesses des exégètes, quand
nous lisons un texte dans un groupe,
nous découvrons des aspects différents, des appels différents, une
relation au Seigneur différente et en mettant en commun nous
nous enrichissons mutuellement.
Ainsi Dieu nous parle dans la Bible, Dieu parle à chacun de nous, Dieu parle à son peuple qui peut acclamer la Parole : « Acclamons la Parole de Dieu » Louange à Toi Seigneur Jésus.