« Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés »

Le texte d’Evangile du dimanche 15 mai situe les paroles de Jésus :« Au cours du dernier repas ». Judas est déjà sorti pour accomplir sa trahison funeste . Nous sommes donc dans les tout-derniers moments où Jésus est encore présent physiquement au milieu de ses disciples. Les mots du Christ sont très forts, voire essentiels, ils sont du même ordre que ceux de ces parents qui regroupent leur famille avant leur dernier souffle pour transmettre les consignes qui comptent le plus, les choses qui sont les plus importantes. Ce sont ces mots, en général dont on se souvient tout le reste de sa vie. C’est vraiment le testament spirituel de Jésus : « Je vous donne un commandement nouveau, aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » Et Jésus aurait pu ajouter, « comme je vais vous montrer que je vous aime dans les heures à venir ».

« Aimez-vous les uns les autres », ce n’est pas très nouveau dans la Bible et dans l’enseignement de Jésus, il avait déjà expliqué à ses disciples que toute la loi et les prophètes pouvait se résumer en une phrase :
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton Esprit et de toute ta force, et tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Cela c’était juste avant de présenter la parabole du bon samaritain. Même si, aujourd’hui, dans ce passage Jésus s’adresse plus particulièrement à ses plus proches, à ses Apôtres, et, à travers eux, à l’Eglise qui est la nôtre et encore plus précisément à la communauté que nous formons, cette première partie de la phrase n’est pas nouvelle au premier abord. Ce qui est nouveau c’est la deuxième partie de la phrase « Comme je vous ai aimés » . C’est la mesure du commandement et autant dire qu’elle est très haute , voire inaccessible . Elle va se révéler dans les heures à venir, jusqu’à la croix : « Il n’y a pas de plus grande preuve d’amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».

Cette phrase nous parait d’une exigence totale et nous laisse un peu les bras ballants devant la difficulté à la mettre en pratique. Les Apôtres qui sont les premiers à l’entendre vont y parvenir, beaucoup d’entre eux donneront aussi leur vie à l’Evangile jusqu’au martyr. Notre histoire de l’Eglise nous donnera bien d’autres exemples de ces martyrs connus dans les actes des Apôtres, mais aussi dans des villes proches comme Lyon où ils ont été très nombreux, jusqu’à Brioude où St Julien ira jusqu’au bout de sa foi. Dans l’histoire actuelle, les moines de Tibérine sont restés fidèles à leur mission quand ils déclaraient « depuis quand la peur doit nous faire renoncer à notre mission au milieu de ce peuple qui nous a accueillis ». On canonise ce dimanche à Rome le Père Charles de Foucauld, officier converti, grande figure d’une vie donnée comme son maître.

Mais nous sommes un peu timorés devant de telles exigences et sans négliger ces grands noms du martyrologe, il nous faut regarder à hauteur de notre humanité quotidienne pour voir ces parents qui donnent toute leur vie pour accompagner un enfant différent, ou ces aînés qui s’accompagnent jour après jour malgré les difficultés liées à la maladie, à la perte de repères comme Aizaimehr , fidèles jusqu’au bout à leur sacrement de mariage, le jour où ils avaient prononcé , sans peut être en connaitre toute la portée : « Pour nous aimer fidèlement , dans le bonheur et dans les épreuves et nous soutenir l’un l’autre tout au long de notre vie ».

Ce qui est frappant, quand on regarde vivre le Christ comme ses apôtres le voyaient, c’est son attitude envers toute les personnes qu’il rencontre, comment il voit leur bonne volonté, leur richesse intérieure, comment il ne s’arrête pas à un cliché à une façade :

  • Quand une femme victime de pertes de sang vient toucher son manteau au milieu de la foule en espérant être guérie, il ne dit pas « qui est cette superstitieuse qui veut toucher mon manteau » Il dit « femme ta foi est grande, qu’il te soit fait selon ton désir ».
  • Quand il voit la vieille femme mettant son obole dans le tronc du temple, d’abord il la voit, il la remarque, puis il ne dit pas qu’elle n’est pas bien généreuse avec ses deux piécettes, il dit que la générosité de son cœur est grande au vu de ce qu’elle possède.
  • Quand c’est un étranger, un soldat romain qui vient le supplier de guérir sa fille, il ne dit pas qu’il n’est qu’un étranger, il se met en route rapidement pour se rendre chez lui.
  • Quand il rencontre la samaritaine au puits de Jacob, cette femme qui a eu une vie maritale bien tourmentée, il ne dit pas qu’elle devrait être excommuniée, (et qu’au lieu de venir communier elle devrait rester à sa place) il lui demande à boire, il lui parle et la fait accéder à la foi.
  • Quand on lui amène une femme coupable d’adultère pour la vouer à la vindicte des bien-pensants il la défend « que celui qui est sans péché lui lance la première pierre ».
  • Quand les enfants font du bruit et que les apôtres aimeraient bien être au calme pour écouter il dit « laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, le Royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemble »
  • Quand le jeune homme riche vient lui demander ce qu’il faut faire pour avoir la vie éternelle, il ne le traite pas de prétentieux, il lui indique un chemin d’exigence.
  • Quand marie Madeleine vient pleurer devant lui avec son vase de parfum, il ne la repousse pas comme le voudraient les pharisiens, il accueille son repentir et en fera une des premiers témoins de sa résurrection …
  • L’aveugle, le fou, le boiteux, le lépreux, le pécheur, trouvent toujours un accueil bienveillant auprès de lui.
  • Et même quand Judas vient l’embrasser pour le désigner aux soldats et aux gardes au jardin des oliviers il ne lui dit pas des mots de colère et d’injures pourtant bien mérités il lui dit « Mon ami, c’est en m’embrassant que tu me trahis »
  • Et même sur la croix , celui qu’on appelle le bon larron qui ne devait pas être un ange pour mériter le châtiment suprême, il lui dit « Aujourd’hui même tu seras avec moi en paradis ».

Toutes ces attitudes trouvent leur achèvement dans ses derniers mots : « Père pardonne leur ». C’est ainsi que Jésus a aimé les gens de son époque, croisés sur sa route, c’est ainsi qu’il nous aime.

Alors nous, pauvres pécheurs, bien incapables d’aimer jusqu’au bout comme lui, nous devrions lui demander d’abord l’Esprit d’émerveillement devant l’attitude de tous ces gens qui, imparfaitement sans doute, mais fidèlement, nous disent que d’aimer un peu comme Jésus c’est possible. Nous devrions demander la grâce de nous convertir à la bienveillance envers les autres, la grâce de l’humilité et la volonté d’essayer, au moins un peu, d’aimer comme il nous a aimés. Amen

En ce jour de la canonisation du Père Charles de Foucauld qui n’a pas toujours été un modèle de vertu (au point de se faire renvoyer de l’armée française, pourtant peu scrupuleuse sur les bonnes mœurs,) mais qui s’est converti au Christ jusqu’à lui donner toute sa vie, nous pourrions nous inspirer un peu de sa prière.

Père Jo Valentin