Il y a 5 ans, après mon départ de l’ensemble paroissial de N.D. de la Faye à Aurec, j’ai demandé à mon Evêque d’être prêtre auxiliaire, c’est à dire. d’être P.A.P. prêtre auxiliaire paroissial , mais il n’a pas du tout été d’accord. Il y avait deux possibilités, Vorey, au bord de Loire, soit St Didier avec l’ensemble paroissial St Luc en Velay. L’Evêque penchait pour cette solution pour des raisons que je n’ai pas à aborder.
Je ne connaissais personne ou presque, ni à Vorey, ni à st Didier, sauf quelques amis dont Pascal et Mado , l’un à la Séauve, l’autre à St Didier, qui m’encourageaient vivement à faire le choix du pays froid. Mais quand on m’a parlé du climat , presque proche de celui de St Jeures et de la température très clémente de l’église où nous sommes et quand j’ai su que le prêtre qui devait venir, un certain Gobillard venait d’être nommé Evêque à Lyon, , mon ambition personnelle a pris le dessus et a vite éclairé mon choix…
Et me voilà dans une cure qui a été la plus sympa de toutes celles que j’ai habitées auparavant, même si le vent du midi avait la fâcheuse habitude de traverser ma chambre à coucher, mais un coin de verdure, un jardin prolifique, un garage… C’est un accessit du bonheur. Je serais très bien dans ma coquille. Il me restait à voir ce qu’il y avait à l’intérieur de la coquille …

Ma première visite, le 1er matin n’a pas été véritablement celle d’un paroissien, mais celle d’un ancien pompier avec qui nous avions fait quelques formations, Léonardi qui venait m’inviter à partager un « machon » , comme quoi la fraternité pompiers n’est pas une fable . Les anciens pompiers m’ont invité à partager le pain le sel les visites et l’amitié. J’aurais aimé que les boulistes ou le club des ainés ou d’autres associations fassent de même, mais de ce côté-là il n’est rien venu. Dommage !

Le deuxième paroissien est arrivé peu après avec un petit crayon à papier et quelques devis. C’est un homme qui a beaucoup œuvré pendant des années pour la paroisse et il venait m’apprendre que j’étais l’heureux gestionnaire des jardins ouvriers, cet espace que j’aurais dû connaître, selon lui, et qui était entouré par une muraille plusieurs fois centenaire qui clôturait le couvent des sœurs Augustines. Il venait surtout avec deux devis pour réparer la clôture, qui menaçait ruine, deux devis qui m’ont fait tousser. Donc immédiatement décision de porter le problème devant des gens compétents : Grace à Mr Jean Goyet le conseil économique allait voir le jour, pour le meilleur de l’ensemble paroissial et pour une aide essentielle au curé. Je dois un énorme merci à toutes les personnes qui gèrent votre patrimoine, depuis les fuites d’eau, les éternuements des factures d’énergie, jusqu’aux décisions immobilières.

Il ne convenait pas de confier le matériel aux laïcs, sans leur confier le spirituel, le pastoral. Ce fut le départ de l’équipe animatrice, à qui je dois beaucoup et que je remercie. Elle sera la pièce maîtresse des années à venir. Elle sera sans doute promulguée et envoyée dans les prochaines semaines par votre Evêque. Elle aura à s’appuyer sur le conseil paroissial, jeune, dynamique, qui devra réveiller ses ambitions et ses propositions.
Une rencontre de tous les clochers était organisée à la Louvesc avec la participation du Père Jean Pierre Mourier pour définir la pastorale de notre ensemble et lui donner le beau nom de St Luc, patron des passementiers.

Par la suite j’ai établi un document pour proposer toute une palette d’engagements possibles depuis l’entretien des églises jusqu’à la création d’un syndicat d’initiative pour les fêtes religieuses en passant par la possibilité de confier la célébration des funérailles aux laïcs en l’absence de prêtre.
J’ai fait distribuer plus de 300 questionnaires pour une petite quinzaine de réponses et j’en ai conclu que les gens d’ici, tout comme leur curé, n’aimaient pas les récitations écrites.
Par exemple la création du syndicat des fêtes religieuses a obtenu une voix, d’une personne qui a passé les 90 ans.
Par contre une autre personne acceptait de se former en vue de diriger des funérailles, premier pas vers la constitution d’une équipe d’accueil et d’accompagnement des familles en deuil.
L’écoute, et la disponibilité de cette équipe, formée, missionnée, disponible fait l’unanimité des familles en deuil et l’émerveillement du curé « sauf les râleurs ça va de soi ! »

Une autre équipe accompagne magnifiquement les aînés en maison de retraite, dans les célébrations, et l’amitié, et Dieu me pardonne, si l’on termine parfois les célébrations en chantant la bonne du curé : C’est point commode d’être à la mode quand on aime rigoler ! Et là-bas on n’y rit pas toujours, on y meurt même et parfois …de solitude.

Depuis des années le secours catholique, qui a ses quartiers à St Just, prend en charge le service du frère . Son organisation, sa gestion, son engagement n’empêchent pas l’engagement d’autres fidèles à la banque alimentaire, aux restos du cœur, à la collecte de denrées alimentaires et quand il y a un coup dur, à l’appel de la mairie, des pompiers pour une opération spéciale de partage, à l’inverse de Poutine, tout le monde s’y met, même les enfants et avec quel enthousiasme !

Le curé ne chantant pas aussi bien que ses prédécesseurs il a bien fallu compenser et, quand tout le monde s’y met, avec talent et bonne volonté, nous avons des célébrations chantantes, priantes, enviées et dynamiques ! Et quand les musiciens sortent la trompette, le violon, le saxo, la guitare le djembé le clavier et d’autres instruments dont les noms sont déjà compliqués à prononcer, (pour en jouer c’est une autre gamme)! Et tout le monde apprécie, sauf les râleurs ça va de soi.

Tout cela, il faut que ça dure, c’est un héritage reçu de ceux qui étaient avant nous et qu’il faut transmettre.

Là se lèvent les semeurs, sans doute pas assez nombreux, mais tellement généreux, tellement persévérants pour annoncer l’Evangile, faire connaître la bonne nouvelle, développer les valeurs évangéliques, dans l’éveil à la foi, dans la catéchèse, dans l’aumônerie, dans les écoles qui toujours ouvrent leurs portes, suggèrent et accompagnent, donnant à notre église un énorme chantier.
Merci à l’école de La Séauve, de st Victor, de Don Bosco, de Jeanne d’Arc, du collège pour leur accueil bienveillant et pour leur travail .
Tout commence avec les préparations au baptême, la proposition des sacrements, et là encore le prêtre n’est pas seul, merci ! Et je suis bien certain que demain il ne sera pas seul non plus !

Non le prêtre, ici chez vous, n’est seul nulle part, ni dans vos églises, ni avec vos jeunes, ni avec vos ainés, ni avec vos défunts, ni dans l’accueil à la cure, ni dans la société, où il peut avoir la chance de créer des liens avec les associations, les élus, les services municipaux, ce que nous appelons « le monde » …
Bien sur la Séauve est devenue une presqu’ile depuis le 4 septembre et il est bien difficile de passer en barque à hauteur du pont rouge pour atteindre l’autre rive de la Semène, là où se trouve le reste du monde et la communauté de communes, j’espère que cela ne va pas amplifier le sentiment d’indépendance !

Vivre ensemble, tout en respectant les spécificités de chacun, dans un esprit de dialogue, de vérité, cela permet d’avancer, car, dans bien des domaines les objectifs sont les mêmes : Tous nous voulons bâtir une vie fraternelle et heureuse entre les personnes, alors il vaut mieux s’attacher à bâtir des ponts plutôt que des donjons ! Merci à ceux et celles avec qui nous avons pu bâtir ces ponts.
J’ai un petit exemple qui date de lundi dernier, 2 jours après l’orage de grêle. Comme à mon habitude je me suis levé très tôt le matin, vers 10h, et j’ai eu la surprise de voir quelqu’un qui n’avait pas pu entrer dans l’église et qui était sur le toit. J’ai fredonné la chanson des compagnons : « Que signifie pour nous ce violon sur le toit, pourquoi choisir un si curieux endroit pour jouer son petit refrain ? » Mais vite réveillé j’ai vu que c’était les employés municipaux qui réparaient de l’orage de grêle l’irréparable outrage … Sans rien demander, la mairie avait eu soin de l’église, dans un temps record. C’est une exception, car, selon une histoire d’un maire qui parlait du chat de la mairie très efficace contre les souris jusqu’à ce qu’il ne soit devenu titulaire, il faut reconnaître que le temps municipal, freiné par l’administration, les demandes de subvention, les bâtiments de France et autres institutions, peut mettre à rude épreuve la patience d’un curé, d’un caractère naturellement impatient …
Mais la salle réservée aux patrimoine religieux ancien, tout comme le sas d’entrée de l’église de St Didier ne sauraient être retardées bien longtemps, moins longtemps sans doute que l’horloge permettant la fermeture et l’ouverture programmée de l’église de St Didier par l’entrée pour les personnes à mobilité réduite ! Une pendule qui retarde, c’est normal !

Je m’en vais, ma route m’appelle et m’attire. Enfin elle ne m’attire pas beaucoup vers les hautes terres du sud du département, les 14 clochers de la région de Landos, Notre Dame du Haut Allier, que je dois rejoindre, sans doute dans une certaine solitude. Pour me décourager on m’a dit qu’il y avait peut être des loups, mais je m‘en fiche, j’entends le loup, le renard et la belette, j’entends le loup et le renard chanter.
Je m’en fiche surtout parce que je vais remplacer celui sans qui, sans doute vous n’auriez pas eu de prêtre résident Et je suis certain que vous allez l’accueillir comme une grâce du Seigneur : invitez-le, à votre table, à vos réunions, à vos projets, ne lui laissez pas le temps de languir, bousculez-le, proposez-lui.
Un collègue disait : Le prêtre, pour vous c’est comme la pompe à incendie, vous souhaitez en avoir une, mais vous ne souhaitez pas vous en servir. Que ce ne soit pas votre cas ! Ne lui demandez pas de faire comme moi, il n’est pas comme moi, il est un bon pasteur.

Pour terminer, je vous dirai, mais c’est un secret, que je vous ai aimés, tous, après les nécessaires préliminaires qui ont duré un peu plus de 6 mois et je vous emporte avec moi. même si j’éviterai de revenir pour célébrer tel ou tel moment de votre histoire, sauf situation particulière. J’ai une célébration de retenue, celle d’une petite fille qui entre en CM1 je crois et qui m’a demandé de célébrer son mariage. Nous n’avons fixé aucune date pour ne pas bousculer les parents.

Mais je m’adresse à toi en terminant : M’asseoir un moment avec toi et te dire qu’il faut aimer les gens, qu’il faut aimer les gens même si, même si le temps est assassin et lézarde les rires des enfants et les mistral gagnant. Chao Chao

Père Joseph Valentin